Il ne s'agit plus de savoir si le changement climatique rend les canicules plus intenses, mais combien de vies il coûte concrètement. Les résultats d'une étude pionnière viennent de tomber : le réchauffement d'origine humaine est directement responsable de la mort de quelque 1 500 personnes lors de la vague de chaleur qui a frappé l'Europe les semaines passées. "Ces 1 500 personnes ne sont décédées qu'à cause du changement climatique, donc elles ne seraient pas mortes si nous n'avions pas brûlé de pétrole, de charbon et de gaz au cours du siècle dernier", alerte Friederike Otto, climatologue à l'Imperial College de Londres et co-auteure de l'étude. Des scientifiques de l'Imperial College et de la London School of Hygiene and Tropical Medicine ont utilisé des techniques validées par les pairs pour estimer qu'environ 2 300 personnes sont probablement décédées de la chaleur dans 12 villes touchées. Près des deux tiers de ces décès sont attribuables aux degrés supplémentaires ajoutés par le changement climatique à la chaleur estivale naturelle. C'est une recherche qui établit un lien direct. Un point crucial pour la science climatique.

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Les vagues de chaleur : des "tueurs silencieux" enfin quantifiés ?

Cette étude va plus loin que les précédentes. Jusqu'ici, les analyses rapides se contentaient d'évaluer le rôle du changement climatique sur les phénomènes météorologiques (chaleur, inondations, sécheresses). Cette fois, la connexion est directe : l'utilisation du charbon, du pétrole et du gaz naturel est liée à la mortalité humaine. "Les vagues de chaleur sont des tueurs silencieux et leur impact sur la santé est très difficile à mesurer", explique Gary Konstantinoudis, biostatisticien à l'Imperial College et co-auteur. La raison ? Les médecins et gouvernements ne déclarent pas la chaleur comme cause sous-jacente de décès, lui préférant des problèmes cardiaques ou pulmonaires. Un constat qui fausse la perception du danger.
Sur les 1 500 décès attribués au changement climatique, l'étude montre que plus de 1 100 concernent des personnes de 75 ans ou plus. Ben Clarke, auteur principal, souligne : "C'est l'été, il fait parfois chaud. L'influence du changement climatique a poussé la température de plusieurs degrés, ce qui expose certains groupes de population à un danger accru". L'étude a analysé la période du 23 juin au 2 juillet dans 12 villes européennes (Londres, Paris, Francfort, etc.). Elle révèle que le surplus de chaleur dû aux gaz à effet de serre a ajouté entre 2 et 4 degrés Celsius à la canicule naturelle, avec près de 4 degrés pour Londres. Ce réchauffement additionnel a causé le plus de décès supplémentaires à Milan, Barcelone et Paris. Une épidémiologie du climat qui se précise et renforce l'urgence d'une action concrète.

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Comment les scientifiques mesurent-ils l'impact du climat sur les décès ?

Bien que cette étude rapide ne soit pas encore soumise à la relecture par le corps scientifique, elle s'inscrit dans un travail reconnu par une équipe internationale de chercheurs. Leur méthode combine les études d'attribution rapide, qui cherchent l'empreinte du réchauffement climatique dans les événements météorologiques extrêmes, avec la recherche épidémiologique établie sur les tendances de mortalité. Concrètement, les chercheurs comparent les températures relevées la semaine dernière aux simulations informatiques d'un monde sans gaz à effet de serre. Ensuite, les experts en santé estiment les décès liés à la chaleur pour chaque ville, en isolant l'impact des degrés supplémentaires apportés par le changement climatique. Des formules établies calculent les décès "en excès" par rapport à la normale, en tenant compte de variables comme la démographie ou les maladies chroniques. L'objectif est de s'assurer que la température est bien la cause principale.
Des études antérieures avaient déjà lié les décès dus à la chaleur au changement climatique d'origine humaine, mais pas à des événements spécifiques comme cette canicule. Le Dr Jonathan Patz, de l'Université du Wisconsin, souligne que ce type de recherche "met fin aux conjectures sur les dommages sanitaires liés à la combustion continue des combustibles fossiles". Pour le Dr Courtney Howard, médecin urgentiste, "des études comme celle-ci nous aident à comprendre que la réduction de l'utilisation des combustibles fossiles, c'est aussi des soins de santé". Une prise de conscience qui appelle à une politique climatique plus forte.

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Foire Aux Questions (FAQ)

Combien de décès liés à la canicule ont été directement causés par le changement climatique en Europe ?

Une étude rapide estime qu'environ 1 500 décès survenus lors de la récente canicule en Europe sont directement attribuables au changement climatique d'origine humaine. Ces personnes n'auraient pas succombé à la chaleur sans l'impact des gaz à effet de serre.

Comment les scientifiques établissent-ils ce lien entre changement climatique et décès ?

Les chercheurs comparent les températures réelles à des simulations de températures sans l'influence des gaz à effet de serre. Ils utilisent ensuite des formules épidémiologiques pour calculer les décès "en excès" directement liés à la chaleur supplémentaire apportée par le changement climatique, en excluant d'autres facteurs.

Pourquoi cette étude est-elle considérée comme une avancée majeure ?

C'est la première fois qu'une étude d'attribution rapide établit un lien direct et quantifié entre l'utilisation des combustibles fossiles et un nombre spécifique de décès humains lors d'une vague de chaleur. Elle met en lumière l'impact direct et souvent sous-estimé des vagues de chaleur sur la mortalité.