Une étude publiée dans Science Advances alerte sur la déstabilisation critique d'un courant clé de l'Atlantique Nord, menaçant l'Europe d'un refroidissement brutal. Simultanément, des recherches sur le cycle du carbone suggèrent que le réchauffement global pourrait enclencher un mécanisme de "surcorrection" capable de déclencher, à très long terme, une nouvelle ère glaciaire.
Un vaste système de courants océaniques, cet immense tapis roulant qui régule les températures en Europe et sur la côte Est de l'Amérique du Nord, montre des signes de faiblesse alarmants.
Ce n'est pas le scénario d'un film catastrophe, mais une conclusion scientifique sérieuse issue de l'analyse d'archives naturelles insoupçonnées, qui pointent vers une instabilité croissante de notre machinerie climatique.
Les coquillages, sentinelles du climat
L'avertissement ne provient ni des satellites ni des stations météo, mais des profondeurs de l'océan. Des chercheurs de l'Université d'Exeter ont eu l'idée d'analyser les stries de croissance de mollusques centenaires, véritables enregistreurs des conditions océaniques passées.
Leurs découvertes, détaillées dans l'étude publiée dans Science Advances, révèlent une perte de stabilité significative du Gyre Subpolaire de l'Atlantique Nord.
Ce courant, un rouage essentiel de la plus large Circulation Méridienne de Retournement Atlantique (AMOC), a connu deux périodes de déstabilisation en 150 ans.
La seconde, initiée au milieu du 20ème siècle, est toujours en cours. Selon le Dr. Beatriz Arellano Nava, qui a dirigé l'étude, ces données prouvent que le système approche d'un seuil critique, dont le franchissement aurait des conséquences majeures.
Un thermostat planétaire qui surchauffe... pour mieux glacer ?
Ce phénomène local s'inscrit dans un cadre planétaire bien plus vaste et paradoxal. Dans une étude distincte, des géologues de l'UC Riverside ont modélisé un mécanisme jusqu'alors sous-estimé du cycle du carbone.
Le réchauffement climatique, en augmentant les nutriments déversés dans l'océan, stimule la croissance du plancton. En mourant, ces organismes emportent massivement le carbone vers les fonds marins.
Ce processus, combiné à la diminution de l'oxygène dissous, créerait une puissante boucle de rétroaction. Le thermostat climatique de la Terre ne se contenterait pas de stabiliser la température : il "surcompenserait" le réchauffement, enclenchant un refroidissement si brutal qu'il pourrait, sur une très longue échelle de temps, déclencher une nouvelle ère de glaciation.
Un futur plus froid est-il inévitable ?
L'effondrement du gyre atlantique n'est pas encore acté, mais sa trajectoire actuelle suffit à inquiéter. Un simple ralentissement de ce courant pourrait déjà provoquer des hivers bien plus rigoureux en Europe, rappelant l'implacable réalité du Petit Âge Glaciaire qui a sévi à partir du 14ème siècle. Les conséquences incluraient des tempêtes plus violentes et une modification des régimes de précipitations.
Quant à la "surcorrection" par le cycle du carbone, elle se jouerait sur des échelles de temps géologiques, bien au-delà de nos existences. La question n'est donc pas de savoir si un refroidissement viendra nous sauver du réchauffement, mais plutôt de comprendre comment ces dynamiques complexes vont interagir.
Pour les chercheurs, la conclusion est sans appel : la réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre est le seul levier pour éviter de pousser ces systèmes au-delà de leur point de rupture. L'incertitude demeure sur le moment exact où ce seuil critique pourrait être franchi.