L'euphorie a déclenché une vague d'investissements colossale dans les centres de données. Pourtant, une note de Goldman Sachs sème le doute, esquissant des scénarios où la rentabilité ne serait pas au rendez-vous.

Entre la difficulté à monétiser les modèles d'IA et l'incertitude sur les baux à long terme, les investisseurs naviguent à vue.

La demande explosive en puissance de calcul, alimentée par le développement de l’intelligence artificielle, a provoqué une course effrénée à la construction d’infrastructures dédiées.

Les prévisions de dépenses d'investissement donnent le vertige, avec des analystes comme Omdia qui anticipent jusqu'à 1,6 trillion de dollars d'ici 2030. Mais derrière cette façade de croissance inarrêtable, le tiraillement de la réalité économique commence à poindre, soulevant des questions sur la viabilité à long terme de cet élan.

Quatre scénarios pour un avenir incertain

La banque d'affaires Goldman Sachs a récemment jeté un pavé dans la mare avec un rapport analysant l'avenir du secteur. L'étude présente quatre trajectoires possibles d'ici 2030, oscillant entre l'âge d'or et la crise de surcapacité. 

Le scénario de base, considéré comme le plus probable, anticipe un équilibre tendu entre l'offre et la demande, avec un pic d'occupation des infrastructures à 93 % dès l'année prochaine avant une détente progressive.

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Cependant, d'autres futurs sont moins radieux. Un scénario « baissier » envisage un échec de la monétisation des applications d'IA. Si les utilisateurs refusent de payer pour des services comme Copilot de Microsoft, la demande en capacité de calcul s'effondrerait, créant un surplus d'offre.

À l'opposé, un scénario de surchauffe n'est pas exclu : l'essor d'applications gourmandes, comme la génération de vidéo par IA, pourrait submerger une offre qui peine à suivre, car la construction de centres de données prend plusieurs années.

Le pari calculé des géants du capital-investissement

Les géants du capital-investissement, comme Blackstone, Apollo ou Blue Owl, se montrent très optimistes à court terme. Ils surfent sur un déséquilibre flagrant entre une demande qui explose et une offre limitée par les contraintes énergétiques et réglementaires.

Leur stratégie consiste à verrouiller la rentabilité en amont. Blackstone, par exemple, ne lance la construction qu'après avoir sécurisé un bail de plus de 15 ans avec une entreprise de premier plan.

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Blue Owl privilégie les baux « triple net », où le locataire assume tous les frais. Ces montages financiers sont au cœur de la stratégie pour sécuriser les investissements dans l'IA, même si l'infrastructure devenait obsolète à la fin du bail. Une crainte majeure demeure cependant : le renouvellement de ces baux dans 15 ou 20 ans.

Entre prudence et fuite en avant

Cette dualité entre l'excitation à court terme et la prudence à long terme se généralise dans le secteur financier. D'autres acteurs institutionnels, comme le fonds souverain norvégien ou l'assureur Axa, expriment publiquement leur méfiance face à la haute volatilité du secteur.

Le marché boursier lui-même montre des signes de nervosité, avec des valorisations jugées « folles » par certains experts qui commencent à être remises en question. Les investisseurs exigent désormais des preuves tangibles de l'impact de l'intelligence artificielle sur les bénéfices avant de continuer à miser massivement.

La question reste donc entière : les fortunes colossales qui se bâtissent aujourd'hui dans l'écosystème des data centers sont-elles un investissement d'avenir ou le prélude au dégonflement spectaculaire d'une bulle spéculative ? Les paris sont ouverts.