La Chine vient de finaliser un projet d'infrastructure numérique majeur : le premier data center sous-marin au monde, alimenté à plus de 95 % par l'énergie éolienne. Situé à Shanghai, il utilise l'eau de mer pour son refroidissement, réduisant drastiquement sa consommation énergétique, son empreinte au sol et sa dépendance en eau douce, tout en visant une efficacité record.

L'épine dorsale de notre monde numérique, les centres de données, est aussi l'une de ses plus grandes vulnérabilités écologiques. Ces vastes entrepôts de serveurs sont notoirement gourmands en énergie et en eau, une situation que la croissance exponentielle de l'intelligence artificielle ne fait qu'aggraver.

En réponse, la Chine a achevé la construction d'un projet pionnier dans la zone spéciale de Lin-gang, près de Shanghai, qui pourrait bien redéfinir les standards du secteur.

Une réponse à la gourmandise énergétique du numérique

Le défi majeur des data centers terrestres réside dans leur refroidissement. Cette seule tâche peut représenter jusqu'à 40 %, voire 50 %, de leur consommation énergétique totale.

De plus, les systèmes traditionnels engloutissent des quantités astronomiques d'eau douce, parfois l'équivalent de la consommation journalière d'une ville de 50 000 habitants. Ce nouveau centre de données sous-marin (UDC) contourne radicalement le problème.

datacenter sous marin chine eolien

En immergeant ses modules, il tire parti de l'eau de mer comme d'un dissipateur thermique naturel et constant. Ce mécanisme ingénieux fait chuter les besoins énergétiques liés au refroidissement à moins de 10 % du total.

Le projet promet ainsi une réduction globale de la consommation d'énergie de près de 23 %, une suppression totale de l'utilisation d'eau douce et une diminution de plus de 90 % de l'emprise au sol par rapport à une installation classique.

Comment fonctionne ce géant des mers ?

Ce projet, d'un coût de 226 millions de dollars, est alimenté à plus de 95 % par un parc éolien offshore voisin, il intègre directement une source d'énergie renouvelable à une infrastructure de calcul.

Dans sa phase initiale, il dispose d'une capacité de 2,3 MW, qui sera portée à 24 MW dans une seconde phase. L'objectif est d'atteindre une efficacité énergétique exceptionnelle.

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L'installation vise un indicateur PUE (Power Usage Effectiveness) inférieur à 1,15. Cet indice mesure le rapport entre l'énergie totale consommée par le centre et celle effectivement utilisée par les équipements informatiques : plus il est proche de 1, plus le centre est efficace.

À titre de comparaison, l'objectif national chinois pour 2025 est fixé à 1,25, ce qui place déjà cet UDC parmi les installations les plus performantes au monde.

Au-delà du stockage, une ambition stratégique

Plus qu'un simple lieu de stockage de données, ce centre sous-marin est conçu comme un véritable pôle de calcul haute performance. Ses capacités serviront à des applications de pointe, notamment l'entraînement de modèles d'intelligence artificielle (IA), le soutien aux réseaux 5G, l'internet des objets industriels (IoT) et les plateformes de commerce électronique. Ce projet s'inscrit dans une vision plus large de la municipalité de Shanghai.

La ville ambitionne de développer une industrie du cloud et du calcul intelligent pesant plus de 28 milliards de dollars d'ici 2027, avec une capacité de calcul totale de 200 exaFLOPS.

Plusieurs entreprises, dont Shanghai Hicloud Technology et China Telecom, collaborent déjà pour développer à terme un cluster de data centers sous-marins de 500 MW.

Cependant, les experts comme Wang Shifeng, président de Third Harbor Engineering, soulignent que la technologie n'en est qu'à ses débuts. Le passage de projets de démonstration à une application à grande échelle nécessitera encore des progrès significatifs en matière de maturité technologique, d'optimisation des coûts, de maintenance et de gestion de la corrosion en milieu marin. L'aventure ne fait que commencer.