L'intelligence artificielle et le cloud computing requièrent une immense quantité d'énergie, surtout pour maintenir la température de millions de serveurs qui surchauffent. Face à ce défi environnemental et économique, la Chine se prépare à prendre une mesure astucieuse : l'installation du premier data center sous-marin commercial au monde dans la mer, près de Shanghai.
Dirigé par l'entreprise Highlander, ce projet vise à se passer des systèmes de climatisation consommateurs d'énergie en exploitant les courants marins. Une promesse d'efficacité énergétique qui comporte néanmoins des risques.
Comment un centre de données peut-il opérer en étant immergé sous l'eau ?
Le principe est d'une simplicité évidente : exploiter la vaste capacité de l'océan à servir de dissipateur thermique naturel. En pratique, les serveurs sont contenus dans une vaste capsule jaune en acier, spécialement traitée avec des flocons de verre pour être résistante à la corrosion. Une fois plongée, la structure tire profit du rafraîchissement continu des courants marins, supprimant par conséquent la nécessité d'utiliser des climatiseurs conventionnels.
Highlander a révélé une baisse impressionnante de 90% de la consommation d'énergie associée au refroidissement. Le projet de Shanghai, dont le premier composant sera lancé en octobre, comptera principalement sur l'énergie éolienne offshore voisine, avec une visée de 95% d'énergie verte. On connaît déjà les premiers clients : des mastodontes étatiques tels que China Telecom et une firme spécialisée dans le calcul pour l'IA.
Pourquoi ce projet a-t-il réussi là où Microsoft a fait preuve d'hésitation ?
Le concept n'est pas entièrement inédit. Microsoft avait déjà étudié cette idée avec son « Project Natick », qui s'est déroulé au large des côtes écossaises. L'essai avait été une réussite sur le plan technique, démontrant la fiabilité des serveurs submergés. Toutefois, l'entreprise de Redmond n'a jamais pris l'initiative de se lancer sur le marché.
L'écart majeur avec l'initiative chinoise réside dans le soutien politique et financier considérable de l'État. Highlander a bénéficié de subventions significatives pour faire avancer ses projets, y compris un premier prototype à Hainan en 2022. L'objectif gouvernemental de minimiser l'impact carbone de ses infrastructures numériques, associé à une demande explosive en matière d'IA, a généré un contexte idéal pour convertir l'expérimentation en une proposition commerciale rentable.
Quels sont les dangers écologiques et techniques ?
Le fait de immerger des serveurs chauffés dans l'océan n'est pas une action sans conséquences et suscite des interrogations quant à son impact environnemental. Des spécialistes en écologie marine, tels qu'Andrew Want de l'Université de Hull, mettent en garde contre le danger de la « pollution thermique ». L'émanation constante de chaleur par les modules pourrait affecter les écosystèmes environnants, en attirant certaines espèces tout en poussant d'autres à fuir. Bien que Highlander affirme qu'une série de tests jusqu'à présent a montré un impact minimal, la transition vers une échelle de plusieurs mégawatts demeure incertaine.
Il reste encore quelques enjeux techniques à surmonter : l'intrication des câbles internet sous-marins, le processus de maintenance qui s'effectue par le biais d'un « ascenseur » connectant la capsule à un point de surface, et même la susceptibilité aux possibles frappes par ondes sonores, une menace mise en évidence par des scientifiques américains et nippons.
Foire Aux Questions (FAQ)
Cette forme de centre de données est-elle vraiment l'option pour le futur ?
C'est une solution de niche qui semble prometteuse, mais ce n'est pas la solution miracle. Cette solution est spécialement conçue pour les régions côtières fortement peuplées où l'espace terrestre est limité et coûteux. Toutefois, elle ne substituera pas les centres de données conventionnels situés à l'intérieur des terres. Son avenir sera conditionné par sa capacité à démontrer sa fiabilité sur le long terme et, surtout, son empreinte carbone neutre à grande échelle.
Quels sont les principaux défis liés à la construction ?
Les ingénieurs impliqués dans le projet ont identifié des « défis de construction plus importants que prévu ». La priorité absolue est de protéger les serveurs contre l'environnement corrosif de l'eau salée. L'immersion, la connexion et l'entretien de ces capsules pesant plusieurs tonnes représentent également un défi logistique de taille et très onéreux.
Existe-t-il d'autres initiatives comparables à l'échelle mondiale ?
Le plus célèbre est le « Project Natick » de Microsoft, mais il n'a pas dépassé la phase expérimentale. Il est évident que la Chine mène la danse en matière de commercialisation de cette technologie. Des recherches supplémentaires sont en cours, notamment dans le milieu universitaire, mais aucun autre projet commercial d'une telle envergure n'a été divulgué à ce jour.