La récente annonce du président américain Donald Trump, concernant la mise en place d’une taxe de 100% sur les médicaments brevetés ou de marque importés aux États-Unis à partir du 1er octobre 2025, suscite de vives réactions dans l’industrie pharmaceutique.

Cette mesure cible directement les géants du médicament, tout en épargnant les entreprises ayant déjà entamé la construction d’usines sur le territoire américain. Ce revirement protectionniste soulève de nombreuses questions sur la chaîne d’approvisionnement mondiale, les conséquences pour les patients et l’avenir des politiques industrielles.

La question qui va rapidement se poser est de savoir comment les poids lourds pharmaceutiques européens seront impactés, alors que les accords commerciaux du mois d'août entre UE et USA prévoient des tarifs douaniers limités à 15%.

Forcer la relocalisation

Dès le 1er octobre, les États-Unis appliqueront une taxe douanière de 100% sur tous les produits pharmaceutiques de marque ou brevetés qui franchissent leurs frontières.

L’objectif affiché par Donald Trump est d’inciter les laboratoires internationaux à relocaliser leur production. « Il n’y aura pas de taxe si la construction d’une usine a débuté » a-t-il précisé, soulignant que l’exemption vise les sites déjà en chantier ou en cours de réalisation.

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Ces propos, publiés sur le réseau Truth Social, viennent durcir considérablement la politique commerciale américaine envers l’industrie du médicament, après une décennie où l’importation de médicaments a triplé, atteignant 213 milliards de dollars en 2024.

Au-delà du choc pour les laboratoires, Trump déclare vouloir renforcer la souveraineté industrielle américaine face à une dépendance accrue aux importations.

Les médicaments génériques restent exemptés de cette nouvelle taxe, limitant l’impact direct sur certains acteurs pays comme l’Inde. L’Union européenne bénéficie quant à elle d’un tarif plafonné à 15%, après une série de négociations récentes, ce qui n'empêche pas une certaine inquiétude.

Les laboratoires entre relocalisation et résistance

Face à la menace tarifaire, les laboratoires pharmaceutiques se sont rapidement mobilisés. Plusieurs groupes majeurs, tels que Eli Lilly, Johnson & Johnson, ou encore Novo Nordisk, ont annoncé des investissements massifs pour la construction ou l’agrandissement de sites de production aux États-Unis.

Dernièrement, Eli Lilly s’est engagé à bâtir une usine à 6,5 milliards de dollars à Houston, et une autre près de Richmond en Virginie. Les analystes soulignent cependant que « la plupart des grands groupes disposent déjà de sites en construction ou en fonctionnement sur le sol américain », nuançant l’effet sur le secteur.

Cette exemption pour les sociétés engagées dans la relocalisation entraîne un effet d’aubaine pour de nombreux acteurs qui avaient anticipé le virage protectionniste.

Si les grands groupes peuvent espérer éviter des conséquences lourdes, l’incertitude demeure pour les petits laboratoires ou ceux dont la production reste principalement hors des États-Unis.

Pour eux, la capacité à absorber le choc tarifaire risque d’être beaucoup plus limitée et pourrait se traduire par une réduction de leur offre ou un retrait pur et simple du marché américain.

Conséquences potentielles sur le prix des médicaments et l’accès

Si la politique vise à faire baisser les coûts des traitements via la relocalisation, les spécialistes restent sceptiques : la mondialisation de la production pharmaceutique repose sur une optimisation complexe des coûts et des sites de fabrication.

Pour de nombreux traitements, les ingrédients actifs sont fabriqués à l’étranger avant d’être assemblés localement. Déplacer ces circuits d'approvisionnement aux Etats-Unis n'est pas si simple, notent les observateurs du secteur.

medicament illustration Pixabay Julie Vilken

Le risque, selon les observateurs, réside dans une augmentation des prix des traitements concernés. Plusieurs associations industrielles rappellent que les médicaments ont historiquement été exemptés de taxes pour éviter les pénuries et la flambée des coûts.

De plus, si la mesure exclut les génériques, toute modification concernant ces produits mettrait en péril l’accès aux médicaments à marge réduite, souvent utilisés par des centaines de millions de patients.

Un impact à moyen terme sur l’industrie mondiale

À court terme, les grands noms du secteur semblent peu affectés, grâce à leur anticipation et à leurs investissements. Mais l’industrie toute entière pourrait connaître des changements profonds dans l’organisation des flux logistiques et des centres de production.

Les exportateurs européens, protégés par leur accord avec Washington, devraient conserver leur avantage, tandis que des pays comme l’Inde restent pour l’instant épargnés grâce à leur spécialisation sur les génériques.

De nombreux laboratoires ont déjà procédé à un stock de sécurité pour atténuer l’impact immédiat des taxes et les analystes estiment que la taxe pourrait pousser les groupes à attendre la fin du mandat de Trump avant d’abandonner définitivement leurs stratégies internationales.

L’ensemble des opérations reste soumis à l’évolution de l’enquête nationale lancée sur les importations pharmaceutiques : de nouveaux secteurs pourraient à leur tour être taxés, comme les équipements médicaux, les robots ou encore les dispositifs de protection.