Relocaliser la production des puces sur le territoire national est une quête menée depuis plusieurs années par l'Occident. Après des années de délocalisations en Asie pour profiter du plus faible coût du travail, le délitement de la globalisation et la montée des tensions géopolitiques rappellent que disposer de sites de production sous contrôle direct n'est pas une coquetterie.

Pour inciter les grands groupes à installer des usines aux Etats-Unis, les gouvernements ont utilisé l'outil des incitations fiscales. Le CHIPS Act décidé sous l'administration Biden alloue plus de 50 milliards de dollars à la construction de sites de production en gravure fine et l'Europe a fait de même avec son propre programme de relance de la production fine pour 44 milliards d'euros en vue de revenir à une capacité de production mondiale de 20%.

Le nouveau président des Etats-Unis Donald Trump, en plein remaniement des équilibres économiques mondiaux, voit d'un mauvais oeil cette utilisation de l'argent public à l'heure de la quête de réduction de la dette du pays et l'attribue aux largesses indues du camp adverse des Démocrates.

La menace des taxes douanières plutôt que les aides fédérales

Dans son discours au Congrès américain, il a redit sa volonté de mettre fin au CHIPS Act et d'utiliser un autre outil à la place, qu'il tend à brandir comme solution à toutes les difficultés : la hausse des tarifs douaniers sur les importations.

Son idée : plutôt que de donner de l'argent public à des entreprises qui en ont déjà beaucoup en réserve, mieux vaut les contraindre en augmentant les tarifs à l'importation pour les inciter à choisir d'elles-mêmes d'installer des sites aux Etats-Unis afin d'éviter les taxes.

Wafer

Trump verrait plutôt tout cet argent, ou au moins ce qu'il en reste mais aussi celui attribué aux projets scientifiques dans le cadre général du CHIPS and Science Act, au service de la réduction de la dette.

Quand on veut, on peut, a affirmé le président, prenant l'exemple du fondeur taiwanais TSMC ayant annoncé un projet d'investissement de 100 milliards de dollars supplémentaires sur ses sites en Arizona, sans passer par le CHIPS Act, même s'il s'agit sans doute ici plus d'un geste politique pour rester dans les bonnes grâces du maître du Bureau ovale alors que l'île de Taiwan ne sait plus trop si elle pourra compter sur une aide militaire américaine en cas d'invasion par la Chine.

Incertitudes sur la conduite à tenir

La menace des tarifs douaniers suffira-t-elle pour faire changer d'avis les grands groupes ? On a pu voir avec quelle célérité beaucoup ont retourné leur veste en janvier et abandonné des pratiques et modes opératiores pour complaire au nouveau maître des lieux.

Certaines entreprises semblent avoir déjà pris en compte cette nouvelle donne, autant pour pouvoir suivre leur propre plan que pour s'éviter des tracas avec l'administration Trump, mais d'autres, comme Intel, ont toujours indiqué qu'elles avaient besoin des financements publics pour leurs projets de sites. Cela vaut aussi pour les sites européens.

Intel Lunar Lake

Ceux en Arizona et en Ohio pourraient s'en trouver impactés, avec des mises en service repoussées qui impacteraient leur rentabilité et la capacité des USA à disposer rapidement de sites de production en gravure fine.

Le site The Register note toutefois qu'annuler le CHIPS Act ne se fera pas d'un geste et qu'une validation par les différentes chambres parlementaires américaines serait nécessaire.

En règle générale, l'industrie n'aime pas le flou et les propos de Trump ne sont pas de nature à fournir un cadre clair dans lequel évoluer ces prochaines années, ce qui pourrait conduire les entreprises à réduire préventivement la voilure. Et tant pis pour les promesses de relocalisation et d'emplois.

Source : The Register