Dans une décision qui marque une rupture spectaculaire avec des décennies de politique nucléaire américaine, l'administration Trump a ouvert la voie à l'utilisation de plutonium militaire pour alimenter des réacteurs civils.
Un décret présidentiel signé en mai, complété par des notes internes, prévoit de mettre à disposition de l'industrie jusqu'à 25 tonnes de ce matériau hautement radioactif, dont une partie proviendrait directement du cœur des armes nucléaires américaines. L'objectif : répondre à l'appétit énergétique insatiable de l'intelligence artificielle en relançant une filière nucléaire nationale à l'arrêt.
Pourquoi recycler du plutonium militaire maintenant ?
La décision s'inscrit dans un contexte de crise énergétique alimentée par les besoins gargantuesques de l'intelligence artificielle. Les data centers qui entraînent et opèrent les IA sont de véritables gouffres électriques, et la demande explose.
Face à ce mur énergétique, l'administration Trump voit dans le nucléaire une solution pour assurer une production d'électricité massive et décarbonée. En puisant dans les stocks de plutonium hérités de la Guerre Froide, le gouvernement espère fournir un combustible clé en main à une nouvelle génération de start-ups développant des réacteurs avancés.
Comment ce programme fonctionnerait-il concrètement ?
Le plan, détaillé dans des mémos internes du Département de l’Énergie (DOE), prévoit de fournir jusqu'à 25 tonnes de plutonium à des entreprises privées. Plus de 20 % de ce stock proviendrait des "pits", les sphères de plutonium qui forment le cœur des ogives nucléaires.
Ce matériau serait ensuite traité pour être transformé en combustible, notamment en combustible MOX (mélange d'oxydes), utilisable par des start-ups comme Oklo. Cette initiative inverse une politique américaine en place depuis 1977, date à laquelle le président Carter avait mis fin au retraitement commercial du plutonium par crainte de la prolifération nucléaire.
Quels sont les risques d'une telle initiative ?
Le projet est loin de faire l'unanimité et soulève d'immenses préoccupations en matière de sécurité nationale. Des élus démocrates et des experts indépendants, comme ceux de l'Union of Concerned Scientists, alertent sur le danger de puiser dans un stock de "pits" que le Pentagone peine déjà à moderniser pour sa propre force de dissuasion.
Économiquement, le projet est qualifié d'"insensé" par ses détracteurs, qui rappellent le fiasco du programme MOX précédent, abandonné en 2018 après avoir englouti des milliards de dollars sans jamais être opérationnel. L'argument est que l'investissement serait plus judicieux dans des énergies renouvelables, plus rapides et moins chères à déployer.
Foire Aux Questions (FAQ)
De quel plutonium parle-t-on exactement ?
Il s'agit principalement de plutonium militaire américain stocké depuis la fin de la Guerre Froide. Le plan prévoit d'utiliser à la fois du plutonium dit "excédentaire" et, plus controversé, du plutonium directement issu des "pits", les cœurs hautement radioactifs des armes nucléaires. Ce dernier est un composant essentiel de l'arsenal de dissuasion des États-Unis.
Cette technologie est-elle une solution viable contre le changement climatique ?
C'est un débat complexe. D'un côté, l'énergie nucléaire est une source d'électricité décarbonée capable de fonctionner en continu, ce qui est un atout majeur. De l'autre, les critiques soulignent les coûts et les délais de construction faramineux des centrales, ainsi que les risques sécuritaires et la gestion des déchets. Beaucoup d'experts estiment que les énergies renouvelables comme le solaire ou l'éolien représentent une solution plus rapide, plus sûre et plus économique pour décarboner la production d'électricité.
Quelles sont les entreprises impliquées dans ce projet ?
Le programme vise à soutenir une nouvelle vague de start-ups du nucléaire qui développent des "réacteurs avancés". L'entreprise californienne Oklo est l'une des plus citées, car ses réacteurs à neutrons rapides sont spécifiquement conçus pour pouvoir utiliser du plutonium comme combustible. L'implication de l'ancien secrétaire à l'Énergie, qui siégeait au conseil d'administration d'Oklo, a d'ailleurs soulevé des questions sur de potentiels conflits d'intérêts.