La constellation Starlink de SpaceX est utilisée par l'Ukraine depuis le début du conflit avec la Russie pour acheminer des communications militaires. Elle est un rouage essentiel dans la défense du pays et la coordination des actions militaires.

Aussi, quand il est apparu que son accès pouvait éventuellement être conditionné à un contrat de fourniture de minérais stratégiques ou comme un moyen de pression pour forcer une accord de paix non pas en équilibrant les contraintes pour chaque camp mais en risquant de laisser s'effondrer l'Ukraine, l'Europe a ouvert les yeux sur des dangers dont elle avait oublié l'existence.

D'où la mise en lumière soudaine d'Eutelsat et de la constellation OneWeb, désormais vue comme une alternative quasiment incontournable pour qui ne veut pas tomber dans le même piège d'une menace d'une rupture d'accès pour obtenir des faveurs.

Des équipements militaires américains...qui pourraient être désactivés

Mais cette prise de conscience va désormais au-delà de Starlink et s'étend à l'armement militaire américain acheté depuis des années par les pays européens. Si les achats d'équipements étaient liés à la volonté de renforcer des liens supposés indéfectibles, ils pourraient se retourner contre les pays acheteurs car ils sont conditionnés à des maintenances et des approvisionnements contrôlés par les Etats-Unis.

Sans eux, les équipements pourraient devenir inopérants ou imprécis. Les USA peuvent utiliser la législation ITAR (International Traffic in Arms Regulations) pour garder un oeil sur tous les armements utilisant des composants américains.

Outre la maîtrise des approvisionnements, les Etats-Unis ont aussi les moyens de dégrader ou bloquer à distance le fonctionnement des équipements. Le Figaro cite le commentaire de Michael Schoelborn, dirigeant d'Airbus Defence and Space, lors d'un entetien au journal Augsburger Allgemeine à propos des nouvelles prétentions américaines sur le Groenland, territoire sous tutelle du Danemark : "Les Danois se rendent compte que ce n'est peut-être pas une si bonne idée...Leurs avions américains F-35, s'ils voulaient défendre le Groenland, n'iraient même pas jusque-là !"

De même, les coordonnées militaires GPS pourraient ne plus être fournies à l'Europe en cas de tensions avec les Etats-Unis. L'autonomie militaire des Vingt-Sept est donc remise en question par les changements d'alliance voulus par Donald Trump depuis son arrivée au pouvoir fin janvier, d'autant plus au regard d'une nouvelle complaisance vis à vis de la Russie, dans un effort pour l'éloigner de la Chine, qui pourrait mettre en danger l'Europe, laissée à son sort.

Avions, systèmes antimissiles, surveillance...

Le Financial Times  rappelle l'épisode du retrait américain d'Afghanistan en 2021, laissant les hélicoptères Black Hawk hors d'usage pour les forces locales et permettant aux Talibans de prendre le pouvoir, et l'Europe craint désormais de se retrouver dans une situation similaire si la Russie menait des actions offensives sur les pays frontaliers.

Or, rappelle le journal économique, plus de la moitié de l'aviation de combat européenne est composée de F-35 et F-16 américains et la question de l'accès au GPS militaire constitue aussi une menace de fonctionnement pour les avions de chasse européens.

Certains pays ont bien demandé des garanties de souveraineté sur les matériels militaires qui leur sont livrés mais les mauvaises surprises cachées pourraient les inciter à repenser leurs partenariats et leurs approvisionnements.

L'industrie de défense européenne, certes non négligeable, pourra-t-elle pallier ces faiblesses ? Ce n'est pas sûr. Et une bonne partie du renseignement militaire, qui permet d'harmoniser les actions militaires, vient aussi des Etats-Unis, sans compter bon nombre de drones de surveillance ou offensifs provenant directement des Etats-Unis, comme le Reaper utilisé par l'Armée française et qui a pu être armé de missiles...au terme de longues tractations.

Ces problématiques avaient été mises sous le tapis d'une alliance forte et durable entre les Etats-Unis et l'Europe. Sa remise en question, au moins partielle, les remet en lumière mais la puissante industrie militaire américaine n'a pas forcément intérêt non plus à perdre ses débouchés avec le Vieux Continent, son principal client...

Source : Financial Times