C'est un changement de cap qui secoue le monde des actifs numériques en France. Un amendement, adopté en commission des finances à l'Assemblée nationale, vise à mettre fin à une zone grise fiscale en imposant une obligation de déclaration annuelle pour les portefeuilles en "self-custody", aussi appelés "cold wallets". La mesure, portée par une volonté de transparence, pourrait bien ouvrir la boîte de Pandore.
Qu'est-ce que cette nouvelle obligation déclarative ?
Concrètement, l'amendement obligerait tout citoyen détenant des actifs numériques sur des portefeuilles crypto auto-hébergés, comme une clé Ledger ou un wallet logiciel de type MetaMask, à notifier chaque année leur valeur vénale à l'administration. Cette obligation se déclencherait dès que le montant total des actifs dépasse le seuil de 5 000 euros.
Ces mesures sont en effet aberrantes et l'@adan_asso est mobilisée sur le sujet depuis plusieurs jours.
— Claire Balva (@ClaireBalva) December 11, 2025
L'objectif de ces amendements est d'imposer la déclaration des portefeuilles #crypto, alors qu’aucun fait générateur d’impôt n’est identifié. C'est extrêmement problématique… https://t.co/wDSjDDJyZs
L'idée est simple : ce qui est détenu hors des plateformes d'échange centralisées, et donc invisible pour le fisc, doit désormais être mis en lumière. Il s'agit d'une déclaration de patrimoine, même en l'absence de toute vente ou plus-value imposable. C'est comme si l'on vous demandait de déclarer la valeur de vos bijoux ou de votre collection d'art chaque année.
Pourquoi une telle mesure maintenant ?
Cette initiative s'appuie sur un rapport récent de la Cour des comptes qui pointait les "angles morts" de la réglementation fiscale. Le législateur estime que ces portefeuilles, par leur nature privée, représentent un "instrument privilégié de fraude fiscale". La nouvelle déclaration fiscale vise donc à aligner le traitement de ces actifs sur celui des comptes détenus à l'étranger.
Pour le gouvernement, il s'agit d'une question d'équité et de transparence fiscale. En considérant ces actifs comme des instruments financiers purs, l'État entend combler un vide juridique et s'assurer que personne ne peut utiliser la self-custody pour dissimuler une partie de son patrimoine et échapper à l'impôt.
Quels sont les risques et les critiques ?
L'écosystème crypto français est vent debout contre cette mesure. L'ADAN (Association pour le développement des actifs numériques) dénonce une "surveillance patrimoniale généralisée" qui crée un régime d'exception pour les cryptomonnaies, un traitement qui n'existe pour aucun autre bien comme l'or ou les œuvres d'art détenus en propre. Les critiques pointent une atteinte aux libertés individuelles et à la protection de la vie privée.
Mais la plus grande crainte concerne la sécurité des données. La création d'un fichier centralisé recensant les détenteurs de crypto et la valeur de leurs actifs est perçue comme un risque majeur. Dans un contexte marqué par les fuites de données massives et les agressions ciblées (home-jacking) contre les investisseurs, un tel fichier pourrait devenir une véritable "liste de cibles" pour les criminels. De plus, beaucoup jugent la mesure inapplicable, car reposant sur une auto-évaluation difficilement contrôlable par l'administration.
Foire Aux Questions (FAQ)
Quels types de portefeuilles sont concernés ?
L'amendement vise spécifiquement les portefeuilles auto-hébergés (ou "self-custody"). Cela inclut les portefeuilles physiques ("hardware wallets") comme ceux de Ledger ou Trezor, ainsi que les portefeuilles logiciels ("software wallets") comme MetaMask ou Rabby, où l'utilisateur détient lui-même ses clés privées sans passer par un intermédiaire régulé.
Cette loi est-elle déjà en vigueur ?
Non, pas encore. L'amendement a été adopté en commission des finances, mais il doit encore être débattu et voté en séance publique à l'Assemblée nationale. Son adoption finale est probable en raison d'un soutien transpartisan, mais les modalités précises de son application seront fixées ultérieurement par décret.