Face à un déclin spectaculaire de l'utilisation de l'argent liquide, passé de 72 % des paiements en magasin en 2019 à seulement 52 % en 2024, les institutions européennes accélèrent.
Le projet d'une monnaie numérique de banque centrale est sur la table, avec une mise en circulation prévue au plus tard pour 2029. L'objectif affiché est d'adapter l'euro à l'ère du tout-numérique et affirmer l'indépendance de l'Europe.
Pourquoi un euro numérique est-il jugé nécessaire ?
Pour la députée européenne Aurore Lalucq, le raisonnement est simple et pragmatique. "On ne peut pas payer avec des billets et des pièces sur internet", a-t-elle martelé, justifiant la création d'un euro numérique comme la seule solution pour transposer les avantages du cash dans le monde digital. Cette monnaie publique viendrait compléter les offres privées, souvent dominées par des acteurs non européens.
Au-delà de cet aspect pratique, l'enjeu est stratégique pour la Banque Centrale Européenne. Il s'agit de renforcer la souveraineté monétaire du continent, de rendre le système de paiement plus efficace et de réduire la dépendance vis-à-vis des entreprises américaines qui contrôlent une grande partie de l'écosystème des paiements par carte. C'est une tentative de regagner des parts de marché et d'offrir une alternative souveraine.
Quelle est la réponse de la communauté crypto ?
La déclaration d'Aurore Lalucq a immédiatement fait bondir les experts de la crypto. Pour eux, l'idée de "payer en cash sur internet" n'a rien de nouveau. Ludovic Lars, auteur spécialisé, rappelle que le Bitcoin permet justement ce type de transaction sans intermédiaire depuis 2009. Le principe est d'échanger de la valeur directement d'une personne à une autre, sans passer par une banque ou une autorité centrale.
Des milliers de cryptomonnaies ont suivi ce modèle, offrant des paiements de manière pseudonyme ou anonyme. L'argument de la communauté est donc simple : la technologie pour une transaction sans censure existe déjà, elle est décentralisée et échappe au contrôle des États. L'arrivée d'une version centralisée est perçue non pas comme une innovation, mais comme une tentative de reprendre le contrôle.
La surveillance est-elle le vrai risque du projet ?
C'est le point de friction majeur. Contrairement à l'argent liquide, qui garantit l'anonymat, une monnaie numérique émise par une autorité centrale pourrait permettre une surveillance accrue des habitudes de consommation des citoyens. "Contrairement au cash, on pourra avec les monnaies digitales de banques centrales savoir qui utilise l’argent et pourquoi", s'alarme Gilles Cadignan, co-fondateur de Woleet, évoquant un scénario à la "1984". Cette traçabilité totale des transactions financières est la principale crainte des opposants.
Face à ces critiques, la position d'Aurore Lalucq se durcit. Sur les réseaux sociaux, elle a posé un ultimatum : "Quiconque s’oppose à l’euro digital, va à l’encontre de l’euro et de l’Union européenne". Pour elle, il faut choisir son camp, et le sien est celui de "l’Europe, de l’euro et de la démocratie". Une déclaration qui assimile l'opposition technique à une opposition politique, intensifiant un débat déjà explosif sur le futur de notre système de paiement et le rôle de la BCE.
Foire Aux Questions (FAQ)
Qu'est-ce que l'euro numérique exactement ?
Il s'agit d'une forme numérique de la monnaie publique de la zone euro, émise directement par la Banque Centrale Européenne (BCE). Contrairement à l'argent que vous avez sur votre compte en banque (qui est une monnaie de banque commerciale), ce serait un passif direct de la banque centrale, tout comme les billets et les pièces.
Quand cet euro numérique sera-t-il disponible ?
Le projet est encore en phase d'étude et de préparation. Si le Conseil européen et le Parlement européen donnent leur feu vert, sa mise en circulation effective pour l'ensemble des citoyens et des entreprises de la zone euro est envisagée au plus tard en 2029.
Quelle est la différence avec une cryptomonnaie comme le Bitcoin ?
La différence fondamentale réside dans la centralisation. L'euro numérique sera contrôlé et émis par la BCE, une autorité centrale. Le Bitcoin et la plupart des autres cryptomonnaies sont décentralisés, ce qui signifie qu'ils fonctionnent sur un réseau sans autorité centrale, offrant un niveau de résistance à la censure et d'anonymat différent.