La plateforme israélienne de services en ligne Fiverr, connue pour mettre en relation des millions de freelances et de clients à travers le monde, vient de prendre un virage stratégique radical. L'entreprise a annoncé la suppression d'environ 250 postes, ce qui représente près d'un tiers de ses effectifs. La raison invoquée : une transformation profonde pour devenir une société où l'intelligence artificielle est au cœur de toutes les opérations, une entreprise dite "AI-first".
Une transformation radicale vers une entreprise "AI-first"
Dans une lettre adressée aux employés, le PDG Micha Kaufman a exposé sa vision sans détour. Il ne s'agit pas d'une simple réduction de coûts, mais d'une refonte complète de l'organisation pour la rendre plus agile et productive. « Nous lançons une transformation de Fiverr afin de faire de l'entreprise une société axée sur l'IA, plus légère, plus rapide, dotée d'une infrastructure technologique moderne axée sur l'IA, d'une équipe plus petite, dont chaque membre aura une productivité nettement supérieure, et de beaucoup moins de niveaux hiérarchiques », a-t-il écrit. Les économies réalisées seront réinvesties pour renforcer les capacités de l'entreprise en intelligence artificielle.
Un paradoxe pour une plateforme humaine
Cette décision surprend, d'autant plus que Fiverr a largement profité de l'engouement pour l'IA. En 2023, la plateforme a vu les recherches de services liés à l'intelligence artificielle (ChatGPT, Midjourney, etc.) exploser de plus de 1 400 %. Ce sont bien des freelances humains qui répondent à cette demande croissante. L'ironie se poursuit lorsque l'on se souvient d'une récente campagne publicitaire de Fiverr qui se moquait ouvertement des dérives de l'IA dans le développement de code. Cette publicité mettait en scène une application pleine de bogues créée en une minute, remettant en cause la fiabilité des solutions purement automatisées.
Le double discours du management
Cette vague de licenciements résonne amèrement avec les déclarations passées du management. En mai dernier, Micha Kaufman avait encouragé ses équipes à « automatiser 100 % de leurs tâches avec l’IA », affirmant attendre de chaque employé qu'il double ou triple sa productivité. Ce qui pouvait passer pour une simple incitation à l'efficacité apparaît aujourd'hui comme une justification anticipée des suppressions de postes. Pour les employés concernés, qui recevront des indemnités et une couverture santé prolongée, cette recommandation a désormais une saveur de cruelle ironie.
Une tendance de fond dans le secteur technologique
Le cas de Fiverr n'est pas isolé. Il s'inscrit dans un mouvement plus large qui touche l'ensemble du secteur technologique. D'autres grandes entreprises, comme Salesforce ou Duolingo, ont annoncé des plans similaires pour devenir des sociétés "AI-first", des virages stratégiques souvent accompagnés d'importantes réductions d'effectifs. Ces restructurations illustrent une réalité de plus en plus concrète : l'intégration de l'IA en entreprise, si elle promet des gains de productivité, pose aussi la question directe du remplacement de l'emploi humain.