Une grave faille de configuration a été mise au jour au sein du réseau de Flock Safety, une entreprise spécialisée dans les technologies de surveillance par intelligence artificielle. Au moins soixante de ses caméras avancées, modèle Condor PTZ, ont été retrouvées accessibles en ligne sans mot de passe ni chiffrement. Cette exposition a permis de visionner en direct des scènes de la vie quotidienne, y compris des enfants dans une aire de jeux, et d'accéder aux archives vidéo des trente derniers jours.

Quelle était l'étendue réelle de cette vulnérabilité ?

C'est le technologue et youtubeur Benn Jordan qui a sonné l'alarme, en collaboration avec le média 404 Media. En utilisant Shodan, un moteur de recherche pour les objets connectés à internet, ils ont localisé non seulement les flux vidéo en direct, mais aussi les panneaux d'administration complets des appareils. Cet accès offrait un contrôle quasi total : il était possible de pivoter, d'incliner et de zoomer, de télécharger les archives, de modifier les paramètres ou encore de supprimer des enregistrements. Les modèles concernés, les Condor, sont spécifiquement conçus pour suivre automatiquement les personnes et les véhicules grâce à l'IA.

Une caméra Flock

Les images découvertes étaient particulièrement sensibles. Le chercheur a pu observer « une femme faisant son jogging seule sur un sentier forestier », « un couple se disputant sur un marché » ou encore des enfants sans surveillance sur une aire de jeux. La puissance de l'intelligence artificielle embarquée était telle qu'elle zoomait automatiquement sur les détails, comme l'écran du téléphone d'un passant. Tout cela était accessible sans la moindre authentification, à la vue de quiconque possédait le bon lien.

Quelles sont les implications pour la vie privée et la sécurité publique ?

Cet incident dépasse largement la simple question de la protection de la vie privée : il s'agit d'un problème de sécurité majeur. Des outils conçus pour aider les forces de l'ordre deviennent, par une simple négligence, des instruments potentiels pour des acteurs malveillants. Le risque de harcèlement, d'espionnage ou de repérage à des fins criminelles est bien réel. La possibilité d'utiliser ces flux pour identifier des individus, via leur plaque d'immatriculation ou des outils de reconnaissance faciale, aggrave considérablement la situation.

Le réseau de Flock Safety est immense, avec plus de 80 000 caméras déployées à travers les États-Unis. Des documents ont d'ailleurs révélé que des agences locales partagent parfois ces données avec des entités fédérales, comme la police aux frontières, sans véritable contrôle démocratique. Des organisations comme l'ACLU (American Civil Liberties Union) alertent sur la mise en place d'une « infrastructure de pistage autoritaire » qui pourrait être détournée de son objectif initial.

Une caméra Flock

Comment Flock Safety a-t-elle réagi et que retenir de cet incident ?

Face à ces révélations, la réponse de l'entreprise a été de minimiser l'incident, le qualifiant de « mauvaise configuration limitée sur un très petit nombre d'appareils » qui aurait depuis été corrigée. Flock a soutenu que l'exposition s'inscrivait dans le cadre d'une phase de test et qu'aucune donnée client n'avait été compromise. Cependant, cette explication peine à convaincre les défenseurs de la vie privée, qui rappellent que même une faille temporaire peut avoir des conséquences durables.

Ce n'est pas la première fois que la robustesse des systèmes Flock est remise en cause. Cet événement sert de rappel brutal sur les dangers inhérents à la centralisation de la surveillance de masse. Dans la course à l'innovation pour la sécurité, l'oubli des protocoles de base peut transformer les observateurs en observés, inversant complètement l'objectif premier de ces technologies. La confiance du public dans ces outils ne pourra être maintenue sans une transparence et une rigueur absolues.