Gauss Fusion, une entreprise greentech allemande, a présenté son Conceptual Design Report (CDR) pour GIGA, la première centrale à fusion commerciale d'Europe.

Ce plan détaillé, fruit de trois ans de travail, forme un tout en détaillant conception, construction, estimation des coûts et calendrier, et veut placer l'Allemagne au cœur de la compétition mondiale pour la souveraineté énergétique.

La firme a présenté son projet dans un document technique colossal de plus de mille pages. Ce rapport est la première feuille de route concrète pour la construction de sa centrale à fusion nucléaire GIGA. L'annonce, présentée lors d'un congrès sur le climat, intervient dans un contexte politique particulièrement favorable.

L'Allemagne se réveille sur le nucléaire

Cette initiative s'inscrit en effet dans le sillage direct du plan de soutien de 2 milliards d'euros dévoilé par le gouvernement allemand. Berlin accélère pour passer de la recherche fondamentale à une approche résolument industrielle.

Son objectif est de positionner l'Allemagne comme un leader mondial dans le développement de l'énergie de fusion selon une technologie de production de plama, capable de répliquer le processus qui alimente le soleil pour produire une électricité propre et quasi illimitée.

Une collaboration paneuropéenne pour de la fusion commerciale

Le projet de Gauss Fusion dépasse le cadre national. La CEO, Milena Roveda, décrit le CDR comme le fruit du savoir-faire de centaines de spécialistes à travers l'Europe.

Le rapport cristallise la vision d'un "Eurofighter de la fusion", un programme paneuropéen combinant expertise industrielle, investissements nationaux et chaînes d'approvisionnement pour assurer la souveraineté énergétique du continent. Des partenaires clés en Italie, France, Espagne et Allemagne sont déjà mobilisés.

Quels sont les défis techniques et financiers ?

Le document ne fait pas l'impasse sur les difficultés. Frédérick Bordry, le CTO de Gauss Fusion, souligne que le rapport s'attaque aux défis industriels les plus ardus, comme la maîtrise du cycle du combustible tritium ou le développement de matériaux capables de supporter des charges thermiques et neutroniques extrêmes. Le coût est également chiffré : entre 15 et 18 milliards d'euros pour mettre en service ce premier réacteur commercial d'ici le milieu des années 2040.

Avec ce plan sur la table, la prochaine étape pour Gauss Fusion sera l'examen du CDR par un panel indépendant en janvier 2026 pour en déterminer la faisabilité et enclencher les étapes suivantes.

Ce jalon déterminera le passage du concept à l'ingénierie de détail, transformant peut-être un jour ce plan audacieux en un véritable plan directeur pour la première génération de centrales à fusion européennes.

En France, le projet ITER est déjà bien avancé et s'appuie également sur une collaboration internationale en vue de concevoir un démonstrateur servant de modèle à de futures centrales nucléaires à fusion commerciales.

Le projet a pris du retard et a vu ses coûts s'envoler mais reste largement soutenu par ses différents partenaires et profite des expérimentations d'installations ailleurs dans le monde pour stabiliser le plasma ultrachaud nécessaire à l'amorçage de la réaction.

Ce n'est pas le seul principe à l'étude. Aux Etats-Unis, l'amorçage par laser offre déjà des résultats intéressants avec une production d'énergie supérieure à celle utilisée pour démarrer la réaction. En France, le groupe Thales, qui a de l'expérience dans les lasers haute puissance, s'intéresse aussi à ce principe via l'entreprise GenF qui doit l'étudier et la faire entrer dans une phase industrielle.