Dans un rapport publié le 17 juillet 2025, le géant américain Google a officiellement reconnu une défaillance majeure de son système d’alerte sismique lors du tremblement de terre dévastateur du 6 février 2023 en Turquie. Cette catastrophe, l'une des plus meurtrières de ces cent dernières années, a causé la mort de plus de 55 000 personnes. Cette admission tardive vient confirmer les conclusions d'une enquête menée par la BBC dès 2023, que Google avait initialement niées. Le rapport révèle un échec technique aux conséquences humaines potentiellement dramatiques.

Un "filet de sécurité" mondial qui a failli

Lancé en 2020, le programme Android Earthquake Alerts est présenté par Google comme un « filet de sécurité mondial ». Déployé sur 2,3 milliards de téléphones dans 98 pays, ce système utilise les capteurs de mouvement des smartphones pour détecter les premières vibrations d'un séisme, évaluer sa magnitude et envoyer une alerte aux utilisateurs quelques secondes avant l'arrivée des secousses les plus destructrices. L'objectif est de fournir un avertissement vital, en particulier dans les régions dépourvues de systèmes nationaux.

Android Earthquake Alerts

Notification de l'Android Earthquake Alerts pour un séisme léger et marche à suivre en cas de tremblement modéré à sévère (magnitude 4,5 et plus seulement).
Crédits : Google

Une catastrophe de chiffres : l'ampleur de l'échec

Le rapport de Google, publié dans la revue Science, met en lumière l'ampleur du dysfonctionnement. L'algorithme a gravement sous-estimé la magnitude du premier séisme, l'évaluant entre 4,5 et 4,9 au lieu de sa puissance réelle de 7,8. Cette erreur a eu des conséquences directes sur la diffusion des alertes :

  • Au lieu des 10 millions d'alertes de niveau maximal "Take Action" (avec une alarme sonore puissante) qui auraient dû être envoyées, seules 469 l'ont été avant la première secousse.

  • Environ 500 000 personnes ont reçu l'avertissement plus discret "Be Aware", une notification silencieuse qui ne contourne pas le mode "Ne pas déranger" des téléphones.

De nombreuses victimes dormaient au moment du drame. Comme le souligne la BBC, « seule une alerte plus sérieuse les aurait réveillés ». Le bon niveau d'alerte leur aurait offert jusqu'à 35 secondes précieuses pour tenter de se mettre à l'abri.

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La défense de Google face aux critiques

Face à ces révélations, Google insiste sur le fait que son dispositif est un système complémentaire et ne remplace pas les infrastructures d'alerte nationales. La firme assure également que son algorithme a été amélioré depuis cet événement tragique pour éviter qu'une telle sous-estimation ne se reproduise.

Une transparence tardive et des experts inquiets

Cette reconnaissance tardive suscite de vives critiques dans la communauté scientifique. Pour Elisabeth Reddy, professeure à la Colorado School of Mines, la réaction de Google est arrivée bien trop tard : « Il ne s’agit pas d’un événement mineur : des personnes sont décédées. »

Harold Tobien, directeur du réseau sismographique Pacific Northwest, partage cette inquiétude sur le manque de transparence. Selon lui, de tels manquements peuvent inciter des gouvernements à une dangereuse complaisance : « Il est essentiel d’être transparent sur l’efficacité de tel système. Certains pays pourraient se dire : puisque Google s’en charge, je n’ai pas besoin de le faire. » Cette affaire soulève ainsi la question délicate de la dépendance envers des technologies privées pour des missions de sécurité publique vitales.

Source : Science