Il y a un an, le studio hollywoodien Lionsgate annonçait un partenariat retentissant avec la startup Runway, spécialiste de l'IA générative vidéo. L'objectif était de créer un modèle d'intelligence artificielle "maison", entraîné exclusivement sur son propre catalogue de films pour produire de nouveaux contenus à une vitesse record. Un an plus tard, le projet ambitieux semble avoir heurté un mur, illustrant le fossé entre les promesses de l'IA et la réalité complexe de la production cinématographique.

Des ambitions démesurées face à la réalité technique

La direction de Lionsgate ne manquait pas d'ambition. Le vice-président Michael Burns évoquait la possibilité de « économiser des millions et des millions de dollars », d'imaginer une version animée de la franchise John Wick générée en « trois heures », ou encore de créer la bande-annonce d'un film avant même son tournage pour le vendre à des investisseurs. Le rêve était de transformer l'industrie. Le principal obstacle rencontré est pourtant d'ordre technique : la taille du catalogue de Lionsgate, bien que riche de franchises comme Hunger Games ou Twilight, est en réalité bien trop restreinte pour entraîner un modèle d'IA performant. Une source proche du dossier l'affirme : « Le catalogue de Lionsgate est trop petit pour créer un modèle. En fait, même le catalogue de Disney est trop petit ».

Un mur de problèmes légaux et qualitatifs

Au-delà du manque de données, le projet fait face à une série de difficultés qui freinent son développement. Ces obstacles montrent les limites actuelles de la technologie dans un cadre professionnel :

  • La qualité des rendus : Sans une quantité astronomique de données pour apprendre les expressions faciales, la physique des corps ou les éclairages, les résultats produits par l'IA sont jugés, au mieux, "maladroits" et loin des standards de Hollywood.

  • Les droits d'auteur : C'est un véritable champ de mines juridique. Le studio possède-t-il réellement les droits d'utiliser l'apparence et la voix des acteurs de ses films pour entraîner une IA ? La question reste ouverte et expose Lionsgate à une potentielle vague de plaintes de la part des acteurs, réalisateurs ou même des techniciens.

  • L'approche du "modèle unique" : L'idée de se reposer sur un seul modèle d'IA customisé est une autre faiblesse. Les professionnels, comme Adobe avec son outil Firefly, combinent plusieurs modèles spécialisés pour obtenir des résultats de qualité, une approche bien plus réaliste.

La communication officielle face aux difficultés

Malgré les informations faisant état d'un projet au point mort, Lionsgate maintient une communication optimiste. Peter Wilkes, directeur de la communication du studio, a déclaré que l'entreprise était « très satisfaite de [son] partenariat avec Runway et de [ses] autres initiatives en matière d'IA, qui progressent comme prévu ». Il a ajouté que l'IA restait un « élément central de [leurs] efforts » pour préparer l'avenir. Cette déclaration officielle contraste fortement avec les retours du terrain qui décrivent un projet en grande difficulté.

Une leçon pour toute une industrie ?

L'expérience de Lionsgate est une mise en garde pour tous les secteurs qui se sont précipités sur l'IA générative sans en mesurer toutes les implications. Que ce soit dans la finance, la restauration rapide ou le cinéma, la technologie ne fonctionne pas comme un bouton magique. Le cas de Lionsgate montre que, pour l'instant, les obstacles techniques, la qualité insuffisante et les questions juridiques non résolues rendent le rêve d'une production de films entièrement automatisée bien plus lointain qu'annoncé.

Source : The Wrap