Des chercheurs japonais et espagnols ont créé la première simulation de la Voie Lactée capable de suivre 100 milliards d'étoiles individuellement. En combinant l'IA (en deep learning) et des simulations physiques, ils ont obtenu un modèle 100 fois plus détaillé et 100 fois plus rapide que les méthodes précédentes, ouvrant la voie à des applications en climatologie.
L'astrophysique fait face à un mur computationnel depuis des décennies. Pour comprendre l'évolution de la Voie Lactée, il faut des modèles capables de gérer à la fois la gravité à grande échelle et la physique explosive des supernovae à très petite échelle.
Jusqu'à présent, les simulations les plus avancées plafonnaient. Elles ne pouvaient modéliser qu'environ un milliard de soleils, bien loin des 100 milliards d'étoiles de notre galaxie.
Pour contourner le problème, les scientifiques "moyennaient" les résultats : une seule particule dans le modèle représentait souvent un amas d'une centaine d'étoiles, façon upscaling mais effaçant toute granularité.
Le verrou des échelles de temps
Le véritable obstacle réside dans la gestion du temps. Pour capturer des événements rapides, comme l'explosion d'une supernova, la simulation doit avancer par intervalles de temps extrêmement courts.
Avec les méthodes physiques traditionnelles, ce niveau de détail a un coût exorbitant. Simuler 1 million d'années d'évolution galactique nécessiterait 315 heures de calcul.
Ramené à un milliard d'années, le processus prendrait plus de 36 ans de temps réel sur un supercalculateur. Augmenter la puissance brute n'est pas une solution viable, car l'efficacité chute et la consommation énergétique explose.
L'IA comme accélérateur de physique
L'équipe menée par Keiya Hirashima du centre RIKEN au Japon, en collaboration avec des partenaires de Tokyo et Barcelone, a donc changé de stratégie. Ils ont développé une approche hybride, présentée lors de la conférence SC '25.
La solution ? Un modèle accéléré basé sur le deep learning. Cet outil d'IA a été spécifiquement entraîné sur des simulations à haute résolution de supernovae. Il a appris à prédire avec précision comment le gaz se disperse dans les 100 000 ans suivant une explosion stellaire, sans mobiliser les ressources du simulateur principal.
Des résultats spectaculaires... et au-delà
En intégrant cet accélérateur IA, la simulation peut gérer les dynamiques globales de la galaxie tout en préservant les détails fins des événements locaux. Les résultats, validés sur les supercalculateurs Fugaku et Miyabi, sont stupéfiants.
Le modèle a non seulement atteint la résolution d'une étoile individuelle pour 100 milliards d'astres, mais il a pulvérisé les chronomètres. Le million d'années d'évolution galactique ne prend plus que 2,78 heures. Le milliard d'années devient simulable en environ 115 jours, au lieu de 36 ans.
Si cette avancée est majeure pour l'astrophysique, permettant de tracer l'origine des éléments qui composent la vie, elle ne s'arrête pas là. Hirashima souligne que cette fusion de l'IA et du calcul haute performance est un changement fondamental.
Les mêmes défis multi-échelles existent en météorologie, en océanographie et en modélisation climatique, des domaines qui pourraient bientôt bénéficier de ce "raccourci" scientifique.