La technologie repousse sans cesse les limites, s'immisçant parfois dans les sphères les plus intimes de nos vies : nos relations familiales. Des services émergent, proposant de déléguer à une intelligence artificielle les appels téléphoniques réguliers destinés à nos aînés. Une innovation qui fascine autant qu'elle interroge : l'IA va-t-elle déjà trop loin ?
Comment ça marche, une ia au téléphone ?
Le principe repose sur les progrès fulgurants de l'IA conversationnelle. Concrètement, cette intelligence artificielle conversationnelle utilise :
- La synthèse vocale pour parler avec une voix qui peut se vouloir naturelle, voire imiter celle du proche (bien que ce niveau de personnalisation ne soit pas toujours précisé).
- Le traitement du langage naturel (NLP) pour comprendre les réponses de l'interlocuteur et générer des répliques cohérentes, poser des questions sur sa journée, sa santé, etc.
L'objectif est de simuler un échange téléphonique humain et de maintenir une conversation sur la durée.
C'est sur tout cela que mise l'application inTouch avec un service facturé 29,90€ par mois pour prendre des nouvelles de vos aïeuls à votre place...
L'idée est simple : vous partagez quelques informations en créant le profil de la personne à appeler, son prénom ainsi que celui des membres proches, quelques centres d'intérêt... Puis l'IA se charge d'appeler tous les jours ce dernier en lançant divers sujets et en se montrant "à l'écoute" du parent.
Un remède à la solitude... ou à la "flemme" ?
Derrière cette technologie, les motivations peuvent être doubles. D'un côté, elle est parfois présentée comme un outil potentiel pour lutter contre l'isolement des personnes âgées. Des appels réguliers, même simulés, pourraient offrir une forme de présence, un rituel rassurant, et permettre de détecter d'éventuels problèmes de santé ou de moral qui seraient ensuite rapportés à la famille. L'IA deviendrait une sorte d'auxiliaire pour maintenir le lien social.
Mais on peut également y voir des motivations moins avouables : la simple "flemme" ou le manque de temps des jeunes générations pour assurer ces appels parfois longs ou répétitifs. L'IA deviendrait alors un moyen de se décharger d'une obligation morale ou affective perçue comme une contrainte.
À la fin de chaque appel, l'abonné reçoit un SMS avec un résumé de la conversation regroupant les éléments clés. L'utilisateur peut voir la durée de l'appel, reçoit des alertes en cas de problème ou de sujet "grave" abordé, avec une forme de bilan sur l'état émotionnel de l'interlocuteur lors de la conversation.
Le malaise éthique : parler à un robot sans le savoir
C'est ici que se cristallisent les plus vives inquiétudes. Le point le plus problématique soulevé est le manque de transparence : dans les scénarios décrits, la personne âgée recevant l'appel n'est pas informée qu'elle dialogue avec une machine. Elle pense parler à son enfant ou petit-enfant, voire un auxiliaire de vie. Cette "tromperie" soulève de profondes questions éthiques. Peut-on remplacer une interaction humaine authentique, même brève, par une simulation ? Quelle est la valeur d'une marque d'affection ou d'une prise de nouvelles si elle est déléguée à un programme informatique ? Ne risque-t-on pas de déshumaniser encore plus les relations et de vider de leur sens les échanges censés être basés sur l'empathie et le lien réel ? Laisser croire à une personne vulnérable qu'elle interagit avec un proche alors qu'il s'agit d'un algorithme pose un cas de conscience majeur sur l'utilisation de l'IA dans nos rapports les plus personnels.
Le créateur du service insiste sur ce sujet précis en indiquant que l'application ne vise pas à remplacer les véritables appels, mais à les compléter, ce n'est pas un substitut, mais un outil complémentaire qui permet de suivre l'humeur de nos proches de façon plus soutenue.