L'informatique quantique, ce Graal de la puissance de calcul, progresse à pas de géant. Lors de sa conférence annuelle des développeurs, IBM a dévoilé deux processeurs cruciaux, Nighthawk et l'expérimental Loon, qui matérialisent son ambitieuse feuille de route.

La firme de Big Blue se fixe désormais l'objectif très concret d'atteindre l'avantage quantique d'ici fin 2026, puis la pleine tolérance aux pannes d'ici 2029, une annonce qui bouscule l'échiquier technologique.

Nighthawk et le cap de l'avantage quantique en 2026

Le processeur Nighthawk, présenté comme le plus avancé jamais conçu par IBM, est au cœur de cette stratégie à court terme. Doté de 120 qubits et de 218 coupleurs accordables, il représente une avancée architecturale significative.

Cette configuration permet d'exécuter des circuits 30 % plus complexes que son prédécesseur, le Heron, tout en maintenant un faible taux d'erreur, une exigence fondamentale pour effectuer jusqu'à 5 000 portes à deux qubits dans une seule tâche.

IBM Quantum Nighthawk Wafer

Les livraisons de Nighthawk aux utilisateurs sont prévues avant la fin de l'année 2025. Cette puce est le point de départ d'une accélération, puisque IBM prévoit d'atteindre 7 500 portes d'ici fin 2026, et vise 15 000 portes à l'horizon 2028.

L'avantage quantique, moment où un ordinateur quantique surpasse les systèmes classiques pour un problème donné, est attendu dans la foulée.

IBM Quantum Nighthawk puce

Pour valider rigoureusement cette supériorité, IBM a lancé, avec des partenaires comme Algorithmiq et le Flatiron Institute, un traqueur communautaire. Ce cadre ouvert vise à mesurer et vérifier les progrès en temps réel, garantissant que les affirmations de supériorité quantique ne restent pas confinées aux seuls laboratoires.

Loon et la bataille contre les erreurs des qubits

L'obstacle majeur du quantique reste la fragilité des qubits, sensibles aux moindres interférences (température, vibrations). Pour y remédier, IBM poursuit en parallèle la voie de la tolérance aux pannes, matérialisée par le nouveau processeur expérimental Loon.

Loon intègre l'ensemble des composants nécessaires pour construire un ordinateur quantique tolérant aux erreurs. Il introduit notamment le routage multicouche et des coupleurs à longue portée permettant de connecter des qubits sur de plus grandes distances. C'est un pas crucial vers la correction d'erreurs quantiques à grande échelle.

Un autre jalon impressionnant a été atteint : l'entreprise a réussi à décoder les erreurs quantiques en moins de 480 nanosecondes en utilisant des codes qLDPC (codes de parité à faible densité sur graphe), le tout exécuté sur du matériel classique. Cette prouesse d'ingénierie a été réalisée avec une année d'avance, démontrant la capacité d'IBM à adresser l'enjeu de l'instabilité.

Qiskit et la fabrication à l'échelle industrielle

Pour soutenir le bond en avant matériel, IBM a également musclé sa pile logicielle Qiskit. Elle prend désormais en charge les circuits dynamiques, augmentant l'exactitude des résultats de 24 % sur des tâches impliquant plus de 100 qubits.

Un nouveau modèle d'exécution avec une API en C++ permet d'intégrer les environnements de calcul haute performance (HPC) et de réduire ainsi les coûts de correction d'erreurs par plus de 100 fois. D'ici 2027, Qiskit sera enrichi de bibliothèques dédiées à l'apprentissage automatique et à l'optimisation.

IBM Quantum Albany Lab

Enfin, la fabrication des tranches de processeurs quantiques a basculé vers une installation de lithogravure de 300 mm au complexe NanoTech d'Albany, à New York.

L'utilisation d'outils de semi-conducteurs de pointe a permis de diviser par deux le temps de développement des nouvelles puces et de multiplier par dix leur complexité physique. Cette accélération de la production permet à IBM de faire avancer simultanément les plateformes Nighthawk et Loon.

La course au quantique est lancée, avec d'autres acteurs comme Google et Microsoft qui dévoilent également leurs propres puces. Cependant, avec l'arrivée de Nighthawk en 2025 et l'horizon 2029 pour Loon, IBM apporte une feuille de route crédible et mesurable, ouvrant la voie à des percées concrètes dans des domaines critiques tels que la découverte de médicaments, la science des matériaux ou la cryptographie.

Reste à voir si l'entreprise tiendra son pari audacieux, mais l'approche combinée matériel-logiciel et l'ouverture à la validation communautaire semblent être les atouts maîtres pour concrétiser le potentiel de cette technologie transformative.