Face à la concurrence chinoise et une balance commerciale devenue déficitaire, les équipementiers automobiles européens, menés par le Clifa, lancent un cri d'alarme.
Ils exigent un label « Made in Europe » avec un contenu local minimal pour protéger des milliers d'emplois et contrer la désindustrialisation du continent. Une mesure urgente au cœur de vifs débats entre les États membres.
La balance commerciale de l'Union européenne avec la Chine pour les véhicules neufs est devenue négative, affichant un déficit attendu à 2,3 milliards d'euros, alors qu'elle était excédentaire de 15 milliards en 2022.
Le constat est encore plus alarmant pour les pièces détachées, avec un déficit qui pourrait atteindre 3,4 milliards d'euros. Cette inversion brutale des flux commerciaux met en lumière la menace qui pèse sur des dizaines de milliers d'emplois et la pérennité du tissu industriel du continent.
Un label pour endiguer la vague chinoise
Face à ce que beaucoup qualifient de « douche froide », les fournisseurs automobiles français, regroupés au sein du Clifa, militent activement pour l'instauration d'un filet de sécurité.
Leur proposition phare est la création d'un label « Made in Europe » exigeant un seuil de contenu local très élevé : 80 % pour les voitures assemblées et 70 % pour les pièces, hors batteries.
Il s'agit d'éviter que les taux d'intégration locale, actuellement élevés pour les véhicules thermiques, ne s'effondrent avec l'électrification au profit de la Chine.
Cette feuille de route vise à soutenir la demande en inscrivant dans la réglementation une préférence européenne claire, notamment via un étiquetage dès 2026.
Elle a aussi pour but de conditionner les aides publiques au respect de ce contenu local et de protéger le marché contre les acquisitions massives de fournisseurs européens par des acteurs étrangers, afin de rétablir des règles du jeu équitables pour tous.
L'épineuse question des batteries et des divergences européennes
Cependant, la mise en place d'une telle mesure se heurte à de profondes divergences au sein même de l'Union européenne. L'Allemagne, craignant des mesures de rétorsion sur le marché chinois vital pour ses constructeurs, se montre réticente.
À l'opposé, la France et l'Italie soutiennent fermement cette exigence de contenu local. D'autres pays, comme l'Espagne, plaident pour une approche plus flexible, soucieux de ne pas freiner les investissements massifs dans les « gigafactories » de batteries sur leur sol.
La batterie est en effet au cœur du problème. Alors qu'un véhicule thermique européen contient environ 90 % de composants locaux, ce chiffre tombe à 40-60 % pour un modèle électrique, la batterie représentant jusqu'à 40 % de sa valeur.
Or, la Chine domine outrageusement ce secteur, assurant 78 % de la production mondiale. Les constructeurs européens eux-mêmes, pour préserver leurs marges, se tournent de plus en plus vers des fournisseurs chinois 30 % moins chers.
Une "préférence européenne" comme seule issue ?
L'enjeu dépasse la simple question industrielle pour devenir un impératif de souveraineté. C'est le message martelé par Emmanuel Macron, qui a sonné l'alarme face au risque de désindustrialisation accélérée du continent.
Le chef de l'État plaide pour une protection des secteurs les plus exposés, arguant que cette approche n'a rien d'agressif : « Les Américains le font, les Chinois le font ».
Cette prise de position politique forte intervient alors que les acteurs de la filière attendent avec impatience les annonces de la Commission européenne. Un « paquet automobile » est attendu pour clarifier la stratégie du continent.
Entre les intérêts divergents des constructeurs, les stratégies nationales et l'urgence de préserver une base industrielle solide, l'Europe est face à un choix structurel pour son avenir. La réponse déterminera si elle assistera passivement à l'affaiblissement de son industrie ou si elle organisera sa réindustrialisation.