Lors du lancement de ChatGPT fin 2022, les analystes s'inquiétaient de voir l'intelligence artificielle remplacer massivement le travail des humains tout en comptant sur un cycle de destruction créative faisant disparaître des métiers mais en émerger de nouveaux.

Il n'a pas fallu longtemps pour voir émerger des annonces triomphantes de remplacement d'une bonne partie des effectifs humains par de l'intelligence artificielle au nom de la rationalisation des coûts et de l'efficience.

Les discours de dirigeants se voulant à la pointe de la modernité en annonçant confier une part grandissante de leur activité aux intelligences artificielles ne manquent pas, quand bien même les imperfections de l'IA et ses hallucinations peuvent générer des dysfonctionnements et des erreurs problématiques.

Remplacer complètement l'IA par l'humain, pas si facile

Klarna, le spécialiste du paiement fractionné pour plates-formes d'e-commerce, a tenté l'expérience d'une transformation d'une partie de son activité en la confiant à l'intelligence artificielle, ce qui avait conduit à une réduction de plus de 20% de ses effectifs.

L'entreprise pensait pouvoir utiliser ChatGPT d'OpenAI pour faire plus efficacement et plus rapidement le travail de conseil et d'information réalisé précédemment par des opérateus humains.

Toutefois, plusieurs mois après la mise en place de cette solution, le CEO de Klarna Sebastian Siematkowski est obligé de reconnaître que tout ne passe pas comme prévu, obligeant à revoir cette initiative.

Shéma homme et intelligence artificielle face à face

Des clients se sont plaints d'erreurs, de l'impersonnalité du service rendu via le chatbot et de l'impossiblité de parler à un humain en cas de situation insoluble ou non résolue par l'IA.

Or, la relation client demande une subtilité qui échappe encore à l'intelligence artificielle, même en essayant de se montrer proche des interlocuteurs. Les clients n'ont pas forcément le temps ou l'envie de raffiner des prompts pour permettre à l'IA de cerner parfaitement leur problème ou un litige et d'apporter la bonne réponse, ce qui peut conduire à une certaine frustration, voire une volonté de l'entreprise de décourager les clients de la contacter.

Reconnaissant être peut-être allé un peu vite en besogne en pensant pouvoir se séparer si vite des humains, le CEO doit réembaucher du personnel pour rééquilibrer l'activité.

Une hybridation plutôt qu'un remplacement

L'IA reste toujours bien présente et prometteuse mais elle aura désormais en soutien des humains lorsque la situation l'exige, apportant une touche d'humanité et d'empathie réclamée par les clients.

Le dirigeant de Klarna reconnaît que la valeur de cette approche humaine a sans doute été sous-estimée lors des évaluations de réduction de coût permise par l'intelligence artificielle.

intelligence-artificielle-IA

Cela va quelque peu dans le sens de la réflexion de Luc Julia, spécialiste de l'IA passé par Apple et Renault et qui anticipe un hiver de l'IA du fait d'attentes trop élevées qui seront forcément déçues.

L'intégration de l'IA en entreprise pour remplacer des tâches humaines est une approche encore jeune qui nécessitera des ajustements et sans doute une surveillance pour s'assurer que le retrait de l'humain dans les processus n'entraîne aussi une perte d'autre chose sortant de l'efficience pure ou de l'estimation chiffrée des réductions de coût attendues.

L'expérience semble montrer aussi que vouloir remplacer directement l'humain par l'IA n'est pas forcément la meilleure voie à suivre. L'utilisation de l'intelligence artificielle pour améliorer les tâches de l'humain apparaît comme plus productive et intéressante pour l'entreprise, dans une approche hybride que souhaite désormais promouvoir Klarna.

Cela reste bien sûr un cas particulier d'application d'autres aspects pourraient être plus efficacement remplacés par une automatisation totale par IA, mais l'expérience de Klarna apporte déjà un éclairage intéressant sur les changements de pratiques en cours dans les entreprises.

Source : Le Figaro