La planète Mars, avec ses deux lunes actuelles, Phobos et Deimos, a longtemps été considérée comme un monde au système satellitaire modeste. Cependant, des données recueillies par le rover Curiosity de la NASA jettent un nouvel éclairage sur son passé lointain.

Au cœur du cratère Gale, une formation rocheuse a révélé une structure qui pourrait bien être la première preuve tangible de l'existence d'une lune martienne bien plus grande, aujourd'hui disparue.

Des couches rocheuses qui racontent une histoire

L'enquête se concentre sur des formations sédimentaires très fines et répétitives, observées sur une formation nommée « Vera Rubin Ridge ». Ces strates, appelées rhythmites, alternent des couches claires et sombres de quelques millimètres d'épaisseur.

Pour les géologues, de telles structures sont souvent le signe de dépôts réguliers de matériaux, transportés par le vent ou des courants. Or, les motifs observés par Curiosity présentent une ressemblance frappante avec les dépôts créés par les marées sur Terre.

Pour étayer cette hypothèse, les chercheurs ont utilisé une analyse de Fourier, une technique mathématique qui a permis d'identifier des périodicités complexes dans l'épaisseur des couches.

Ces résultats suggèrent une double influence, celle du Soleil et d'une lune, tout comme sur notre planète. Ces signatures sédimentaires sont considérées comme une preuve robuste d'activité marine et de marées, ce qui ouvre la voie à une réinterprétation de l'environnement de l'ancienne Mars.

L'équation d'une lune fantôme

L'existence de marées implique une force gravitationnelle suffisante pour influencer de vastes étendues d'eau. Ni Phobos ni Deimos, même dans des orbites plus proches, n'auraient eu la masse nécessaire pour un tel phénomène.

Les calculs préliminaires de l'équipe scientifique suggèrent que la lune responsable aurait dû être au moins 18 fois plus massive que Phobos, la plus grande des deux lunes actuelles. Une telle présence aurait profondément marqué le paysage martien il y a environ 3,8 milliards d'années.

Phobos, l'une des lunes de Mars

Cette découverte s'aligne parfaitement avec une théorie selon laquelle Mars aurait connu des cycles de destruction et de recréation de ses lunes. Un satellite plus grand aurait été progressivement disloqué par la gravité martienne, formant des anneaux planétaires temporaires.

Les débris de ces anneaux se seraient ensuite ré-accrétés pour former de nouvelles lunes, plus petites. La trouvaille dans le cratère Gale pourrait donc être la première preuve de terrain de ce processus complexe.

Un débat scientifique loin d'être clos

Toutefois, la prudence est de mise et l'idée ne fait pas encore l'objet d'un consensus scientifique. Certains experts, comme Nicolas Mangold, membre de l'équipe de la mission Perseverance, objectent que les lacs des cratères Gale et Jezero étaient probablement trop petits pour développer des marées significatives.

D'autres scientifiques avancent des explications alternatives pour ces formations, comme des dépôts saisonniers liés à la fonte de glaciers ou à des variations de débit de rivières se jetant dans le lac.

Face à ces objections, les partisans de l'hypothèse des marées évoquent une possibilité : une connexion hydrologique, même souterraine, entre le lac du cratère et un potentiel vaste océan martien qui aurait couvert les plaines du nord. Une telle connexion aurait permis aux marées de se propager à l'intérieur des terres. Pour trancher, les chercheurs examinent actuellement d'autres sites similaires dans le cratère Gale. La cohérence des observations sera la clé pour valider ou invalider ce fascinant récit géologique.