Des chercheurs de l'Université de York bousculent les certitudes : la matière noire, réputée invisible, pourrait altérer la lumière qui la traverse. Cette interaction indirecte laisserait une subtile "empreinte" colorée, rouge ou bleue, ouvrant une nouvelle piste de détection pour les futurs télescopes et affinant la traque de la substance la plus mystérieuse de l'univers.
La physique moderne repose sur une pierre angulaire : la matière noire, composant environ 27 % de l'univers, est une entité qui, en principe, n'interagit pas avec la lumière.
Son existence n'est déduite que par ses effets gravitationnels massifs, qui sculptent les galaxies et maintiennent les amas en cohésion. Une interaction directe avec les photons a toujours été jugée impossible, la condamnant à une invisibilité quasi totale.
Le principe des « six poignées de main » cosmiques
C'est précisément ce dogme que vient de remettre en question une nouvelle étude théorique, publiée dans la revue Physics Letters B et menée par des chercheurs de l'Université de York.
Leurs travaux suggèrent que si une interaction directe est exclue, un lien indirect pourrait exister. La lumière traversant des régions denses en matière noire pourrait subir une altération infime mais mesurable, se teintant légèrement de rouge ou de bleu selon la nature de la matière rencontrée.
Pour étayer leur théorie, les scientifiques s'appuient sur une analogie : le principe des « six poignées de main », qui veut que deux personnes sur Terre soient reliées par une courte chaîne de connaissances mutuelles.
De la même manière, même sans contact direct, la matière noire et la lumière pourraient être connectées via une cascade de particules intermédiaires. Des candidats comme les WIMPs (Weakly Interacting Massive Particles) pourraient ainsi influencer les photons via des particules comme le boson de Higgs ou le quark top.
Une couleur cachée dans les ténèbres ?
Cette perspective, si elle se confirmait, changerait radicalement les méthodes de recherche. Le Dr Mikhail Bashkanov, de l'École de Physique, d'Ingénierie et de Technologie de York, souligne le caractère novateur de cette approche.
« La plupart des chercheurs s'accordent à dire que la matière noire est sombre, mais nous avons montré que même la matière noire la plus sombre imaginable pourrait avoir une sorte de signature colorée », explique-t-il.
« Ce qui est encore plus excitant, c'est que, dans certaines conditions, cette "couleur" pourrait être détectable », poursuit-il. « Avec les bons télescopes de nouvelle génération, nous pourrions la mesurer. » L'astronomie pourrait alors offrir des informations totalement inédites sur la nature de la matière noire, rendant sa recherche beaucoup plus ciblée.
Mieux cibler la traque du cosmos
Comprendre la matière noire reste l'un des plus grands défis de la physique. Actuellement, des milliards sont investis dans des expériences monumentales pour tenter de la détecter, que ce soit dans des laboratoires souterrains ou via des observations spatiales complexes.
La difficulté à mettre en évidence des particules ou même des interactions quantifiables conduit à réfléchir à de nouvelles hypothèses qui écarteraient la matière noire du modèle théorique, où elle ne serait alors qu'une illusion par rapport à des phénomènes mal compris, ou pas sous le bon angle de compréhension.
L'une des théories pour expliquer la difficulté à mettre en évidence la matière noire, en ne la faisant exister qu'aux premiers temps de l'Univers mais dont les effets se font encore ressentir actuellement
La possibilité d'une détection des décalages infimes de la lumière des étoiles au passage de la matière noire ouvre de nouvelles pistes pour tenter de confirmer son existence réelle. Cette approche permettrait d'écarter certaines théories sur la matière noire au profit d'autres, optimisant ainsi considérablement les investigations futures.
Cette étude ouvre donc une nouvelle fenêtre sur le côté obscur de l'univers. Plutôt que de dépendre uniquement de détecteurs de particules ou d'observations gravitationnelles, les astronomes pourraient un jour analyser le spectre lumineux pour y déceler la signature fantomatique de la matière noire. La prochaine étape sera de confirmer ces prédictions théoriques, une perspective qui pourrait enfin lever le voile sur l'un des secrets les mieux gardés du cosmos.