De nouvelles simulations précisent comment de futurs radiotélescopes lunaires pourraient détecter un signal fossile des Âges Sombres cosmiques. Cette faible onde radio de 21 cm, émise par l'hydrogène primordial, contiendrait des indices cruciaux sur la nature de la matière noire, une substance invisible qui compose 80% de la matière de l'Univers et dont les propriétés restent une énigme majeure.
Depuis sa théorisation par Fritz Zwicky en 1933, la matière noire demeure une énigme fondamentale. Constituant la majeure partie de la masse de l'Univers, cette substance invisible n'interagit pas avec la lumière, et sa présence n'est déduite que par ses effets gravitationnels sur la matière visible, comme la vitesse de rotation des galaxies. Comprendre sa nature est donc un enjeu capital pour la physique.
Un écho radio venu des premiers âges de l'Univers
Les chercheurs se tournent vers une période reculée, les Âges Sombres cosmiques, qui s'étend sur les premiers 100 millions d'années après le Big Bang. Durant cette ère, avant l'allumage des premières étoiles, l'Univers était rempli d'un brouillard d'hydrogène neutre.
Cet hydrogène a émis une onde radio très spécifique, à une longueur d'onde de 21 cm. Ce signal fossile est une véritable capsule temporelle, car il porte en lui les empreintes des conditions initiales de l'Univers et de la manière dont la matière commençait à s'agréger.
La matière noire, chaude ou froide ? Une signature dans le signal
Une équipe de chercheurs des universités de Tsukuba et de Tokyo, menée par Hyunbae Park, a réalisé des simulations numériques d'une précision inédite. Leur objectif : modéliser ce fameux signal de 21 cm pour voir comment il serait affecté par différentes théories sur la matière noire.
La question centrale est de savoir si elle est "froide" ou "chaude". Une matière noire "froide", composée de particules lourdes, favoriserait la formation de petites structures denses comme les galaxies naines.
À l'inverse, une matière noire "chaude", avec des particules très légères, aurait tendance à lisser ces mêmes structures.
Les simulations révèlent que ces deux scénarios produisent des variations infimes, mais mesurables, dans l'intensité et la distribution du signal radio primordial. La détection de cette signature permettrait enfin de trancher.
Pourquoi la Lune est le seul espoir
Le défi est de taille. Ce signal primordial est extrêmement faible, de l'ordre du millikelvin. Pire encore, il se situe sur des basses fréquences (autour de 45-50 MHz) qui sont totalement noyées sur Terre par les interférences humaines (radio, TV) et bloquées par notre ionosphère.
projet de radiotélescope lunaire Tsukuyomi (credit : JAXA)
C'est ici que notre satellite naturel entre en jeu. La face cachée de la Lune offre un environnement radio d'un calme exceptionnel, un véritable sanctuaire protégé des perturbations terrestres. Elle représente le lieu idéal pour installer des radiotélescopes ultra-sensibles.
Des projets concrets, comme le programme japonais Tsukuyomi, envisagent déjà de déployer de telles antennes dans les décennies à venir. Ces missions lunaires pourraient ainsi ouvrir une fenêtre d'observation unique sur les origines de l'Univers et, peut-être, résoudre l'une des plus grandes énigmes de la physique moderne.