Le navire espion russe Yantar a mené une mission de surveillance de trois mois, cartographiant les câbles sous-marins et pipelines énergétiques de l'Europe. Opérant pour une unité militaire secrète, ses activités font craindre des actes de sabotage et poussent l'OTAN à renforcer ses défenses maritimes, ravivant les tensions en eaux profondes.
La discrétion est une vertu en matière d'espionnage, mais les mouvements du Yantar sont loin de passer inaperçus. Ce navire russe, officiellement dédié à la recherche océanographique, a récemment conclu une mission de trois mois qui sonne comme un avertissement pour les pays de l'OTAN, rapporte le Financial Times.
Son périple, de la péninsule de Kola jusqu'à la Méditerranée, soulève une inquiétude grandissante quant à la sécurité des artères numériques et énergétiques de l'Europe.
Un périple méthodique au cœur des zones stratégiques
Le voyage du Yantar n'avait rien d'une croisière d'agrément. Parti de l'Arctique, le navire a longé la Norvège en novembre 2024, traversé la Manche, avant de s'aventurer en mer d'Irlande.
Des images satellites de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) ont confirmé sa présence, naviguant lentement, sans signal de position, juste au-dessus de câbles cruciaux reliant l'Irlande au Royaume-Uni.
Cette zone est considérée comme un angle mort dans le dispositif de défense de l'OTAN, une vulnérabilité que Moscou semble vouloir exploiter pour tester la réactivité occidentale.
GUGI, l'unité secrète qui pilote le Yantar
Le Yantar n'est pas un simple navire de recherche et sa façade civile cache une réalité bien plus inquiétante. Il appartient au GUGI, le Directorat principal de la recherche en haute mer, une division très secrète de l'armée russe spécialisée dans les opérations sous-marines.
Cette unité d'élite disposerait d'une cinquantaine de véhicules, incluant des sous-marins et des submersibles capables de plonger jusqu'à 6 000 mètres de profondeur, soit dix fois plus que les submersibles militaires conventionnels.
Équipé de drones sous-marins sophistiqués, le navire peut cartographier le fond marin avec une précision redoutable. L'objectif est clair : collecter des données vitales non seulement pour l'espionnage des communications, mais aussi pour préparer de potentiels actes de sabotage qui pourraient paralyser des économies entières.
Une escalade qui force l'OTAN à réagir
Cette démonstration de force n'est pas un événement isolé. Depuis la fin de l'année 2023, la Russie a visiblement intensifié ses activités d'espionnage sous-marin, dans un contexte de guerre prolongée en Ukraine.
En janvier, le secrétaire britannique à la Défense, John Healey, avait déjà publiquement dénoncé "l'agression russe croissante" après le passage du navire près d'infrastructures britanniques critiques. En réponse, la Royal Navy avait déployé des navires de guerre et même un sous-marin nucléaire en guise de dissuasion.
L'enjeu est colossal : près de 99 % des communications numériques du Royaume-Uni, et la quasi-totalité du trafic de données international, transitent par un réseau de 1,7 million de kilomètres de câbles sous-marins.
Face à cette menace, les pays de l'OTAN ne restent pas inactifs. Le Danemark déploie déjà des drones de surface autonomes, tandis que la marine britannique teste des robots sous-marins capables de détecter et neutraliser des charges explosives.
La partie d'échecs se joue désormais dans les profondeurs, et la prochaine étape consistera à savoir si ces nouvelles technologies suffiront à protéger des infrastructures devenues le talon d'Achille du monde moderne.