L'idée peut surprendre, mais en réalité, elle rencontre un grand succès. L'application Neon Mobile, qui vous offre de l'argent en contrepartie de l'enregistrement de vos appels, a connu une ascension fulgurante dans les classements de l'App Store, se plaçant même au-dessus de titans tels que Google ou TikTok.

Neon, en exploitant la donnée la plus personnelle – à savoir la voix – pour satisfaire la demande incessante des entreprises d'intelligence artificielle, pousse les frontières de l'éthique et de la légalité, dans un contexte global de désenchantement quant à la préservation de la vie privée.

Comment une application aussi intrusive peut-elle être mise en œuvre ?

La promesse de base de Neon est simple : l'application capture vos appels sortants et vous rémunère par minute. L'engagement est de 15 centimes par minute, un montant doublé si votre correspondant utilise également Neon, avec une limite de 30$ par jour.

L'argument commercial, bien que cynique, est performant : étant donné que les grandes entreprises technologiques exploitent déjà vos informations, pourquoi ne pas en revendiquer une partie ? Par la suite, l'application procède à l'anonymisation de ces données avant de les commercialiser à des sociétés pour l'apprentissage de leurs intelligences artificielles.

Quels sont les dangers concrets pour la vie privée ?

En dépit des engagements d'anonymisation, les dangers restent colossaux. Des spécialistes en droit mettent en évidence que la voix est une donnée biométrique singulière.

Après sa vente, elle pourrait être exploitée pour produire des faux vocaux, revendiquer votre identité ou réaliser des escroqueries. En outre, l'approche « unilatérale » (où seul votre côté de la conversation est enregistré si l'autre personne n'utilise pas l'application) est une tentative d'éluder les lois relatives au consentement. Toutefois, sa légalité demeure incertaine et varie grandement en fonction des pays et des états.

Est-ce que cela marque le début d'une nouvelle époque pour nos informations personnelles ?

Il est possible que le triomphe de Neon soit le reflet d'un cynisme en hausse. Devant la perception que nos données sont déjà utilisées, l'idée de les vendre directement commence à séduire certains.

Toutefois, cette opération pose un dilemme éthique de taille : elle standardise la commercialisation de la vie privée et expose non seulement l'utilisateur, mais également tous ses contacts qui n'ont jamais donné leur accord. C'est une dérive qui métamorphose la discussion, l'un des derniers bastions de la vie privée, en un simple produit marchandisable.

Foire Aux Questions (FAQ)

L'application enregistre-t-elle les deux parties de la conversation ?

De manière officielle, Neon ne capte que votre portion de la conversation, à moins que la personne avec qui vous parlez n'utilise aussi l'application. Toutefois, des spécialistes du droit expriment des réserves quant à la compétence technique de l'application pour séparer parfaitement les voix et craignent que des fragments de la conversation d'autrui puissent être enregistrés.

Peut-on vraiment faire confiance à l'anonymisation des données ?

C'est le grand mystère. Neon prétend éliminer les informations personnelles, sans toutefois préciser sa méthode. Des spécialistes mettent en garde que même des données vocales « anonymisées » peuvent être sujettes à ré-identification par des intelligences artificielles performantes ou exploitées pour des activités néfastes telles que la production de doublures vocales à des fins frauduleuses.

Est-ce que l'application respecte la loi en France ?

La légalité présente des complexités. Selon la législation française, l'enregistrement d'une conversation privée nécessite l'accord des deux personnes concernées. Le procédé d'inscription « unilatéral » de Neon tente de contourner cette directive, cependant sa conformité avec le RGPD et la législation française est sujet à caution et pourrait entraîner des poursuites judiciaires.