Nexperia, fabricant de puces néerlandais sous contrôle chinois, est au cœur d'une crise majeure. Sa filiale chinoise a ordonné à ses employés d'ignorer les directives du siège, affirmant son indépendance.

Cette rébellion, qui fait suite à la prise de contrôle de l'entreprise par le gouvernement néerlandais, menace de provoquer une pénurie critique de composants pour l'industrie automobile mondiale.

Le fabricant de semi-conducteurs Nexperia, bien que basé aux Pays-Bas, est la propriété du géant chinois Wingtech Technology depuis 2019. Cette situation hybride a placé l'entreprise au centre des tensions géopolitiques.

L'affaire a pris une nouvelle tournure lorsque le gouvernement néerlandais a récemment pris le contrôle de la direction de Nexperia, une mesure drastique motivée par des craintes de sécurité nationale et la volonté de Washington de voir le PDG chinois de l'entreprise, Zhang Xuezheng, écarté.

Une déclaration d'indépendance unilatérale

La réponse de la branche chinoise ne s'est pas fait attendre. Dans une note interne rendue publique, Nexperia China a demandé à ses employés d'ignorer purement et simplement les ordres émanant du siège néerlandais. Le mémo stipule que la direction locale fonctionnera désormais comme une "entreprise chinoise indépendante".

Nexperia Nijmegen siege social

Le siège de Nexperia à Nimègues, aux Pays-Bas

Pour justifier cette scission de fait, la note précise que toute instruction externe, même transmise via les outils de communication officiels, peut être refusée sans crainte de sanction. Cette directive s'applique à l'ensemble des sites chinois, notamment l'usine d'assemblage de Dongguan et les bureaux de Shanghai et Pékin.

Quel est l'impact sur l'industrie automobile ?

Cette crise interne pourrait avoir des répercussions potentiellement dévastatrices pour l'économie mondiale. Nexperia est un fournisseur crucial de puces de base essentielles dans tous les véhicules modernes, gérant des fonctions allant des airbags à l'éclairage.

L'entreprise fournirait environ 40% des transistors et diodes utilisés dans le secteur. Avec 80% de ses produits finis assemblés en Chine, la décision de Pékin de bloquer les exportations en réponse à l'intervention néerlandaise a déjà mis la chaîne d'approvisionnement automobile sous haute tension.

Nexperia composants automobiles

Les grands constructeurs automobiles européens et américains tirent la sonnette d'alarme. L'Alliance for Automotive Innovation et son homologue européen craignent des arrêts de production imminents si la situation n'est pas résolue rapidement.

Selon eux, les stocks actuels de puces ne tiendront que quelques semaines, tandis qu'il faudrait des mois pour trouver des sources d'approvisionnement alternatives. Le spectre d'une pénurie similaire à celle post-Covid, qui avait fait flamber les prix des voitures neuves et d'occasion, plane à nouveau, indique le Financial Times.

Une bataille juridique et diplomatique en perspective

Le siège néerlandais de Nexperia a vivement condamné la communication de sa filiale, la qualifiant de mensonge et accusant l'ancien PDG suspendu d'en être à l'origine. Pendant ce temps, les gouvernements sont entrés dans la danse.

Le ministère du Commerce chinois a dénoncé une "violation des principes du marché" par les Pays-Bas, tandis que des discussions au plus haut niveau sont prévues entre les ministres de l'Économie des deux pays pour tenter de désamorcer la crise.

L'affaire Nexperia illustre parfaitement la complexité de la mondialisation technologique face à la montée des nationalismes économiques. La résolution de ce conflit déterminera non seulement l'avenir de l'entreprise, mais pourrait aussi redéfinir les règles de la coopération industrielle entre la Chine et l'Occident, dans un contexte de frictions grandissantes sur les approvisionnements de matières premières et composants clés.

Source : Financial Times