Face à des "manquements graves de gouvernance" et pour protéger sa sécurité économique, le gouvernement néerlandais a pris le contrôle de Nexperia, fabricant de puces crucial pour l'Europe et propriété depuis quelques années du groupe chinois Wingtech.
Cette mesure exceptionnelle s'inscrit dans un contexte de guerre technologique mondiale et de protection des actifs stratégiques. Nexperia n'est pas un nom familier du grand public, mais ses puces sont omniprésentes. Ancrée aux Pays-Bas, cette entreprise est un fournisseur essentiel de composants pour l'industrie automobile et l'électronique grand public en Europe.
Son rachat en 2019 par le géant chinois Wingtech Technology avait déjà soulevé des questions, mais c'est aujourd'hui une intervention directe de l'État qui marque un tournant décisif.
Une loi d'exception pour une mesure radicale
Le gouvernement de La Haye a invoqué la "Loi sur la disponibilité des biens", une législation conçue pour des circonstances exceptionnelles. Cette décision, qualifiée de "hautement inhabituelle", a été justifiée par des "signaux aigus de manquements graves à la gouvernance" au sein de l'entreprise.
Le gouvernement néerlandais cherche ainsi à garantir l'approvisionnement en puces en cas de crise et protéger un savoir-faire technologique jugé critique pour la sécurité économique néerlandaise et européenne.
Concrètement, le ministre de l'Économie peut désormais bloquer ou annuler des décisions stratégiques de Nexperia, même si la production est censée se poursuivre normalement.
L'ombre de la guerre commerciale sino-américaine
Cette intervention s'inscrit dans le contexte de réalité économique et géopolitique de la guerre des puces entre Washington et Pékin. La maison mère de Nexperia, Wingtech, a été placée sur la "liste d'entités" américaine en décembre 2024, la désignant comme une préoccupation pour la sécurité nationale des États-Unis.
Le siège social de Nexperia à Nimègue (Nijmegen en V.O.)
Cette sanction restreint drastiquement ses accès aux technologies américaines. L'action néerlandaise peut donc être vue comme un alignement sur cette posture de fermeté, après des années de pression américaine pour limiter les exportations de technologies sensibles vers la Chine, notamment celles du fleuron national ASML.
Quelles conséquences pour Wingtech et Nexperia ?
La réaction ne s'est pas fait attendre. L'action de Wingtech a chuté de 10 % à la Bourse de Shanghai suite à l'annonce. Dans un communiqué, l'entreprise chinoise a dénoncé une décision "motivée par un biais géopolitique" et a annoncé son intention de défendre ses droits, sollicitant le soutien de Pékin.
Au niveau opérationnel, le président de Wingtech, Zhang Xuezheng, a été immédiatement suspendu de ses fonctions au sein de Nexperia par une décision de justice. Un administrateur indépendant et non-chinois a été nommé pour superviser la gestion, marquant une perte de contrôle directe pour la maison mère chinoise.
Si La Haye assure que la production continue, cette mise sous tutelle ouvre une boîte de Pandore. La question est désormais de savoir si cette intervention restera un cas isolé ou si elle préfigure une nouvelle doctrine européenne, bien plus interventionniste, pour la protection de ses actifs technologiques stratégiques face aux appétits étrangers.