Une maladie foudroyante décime les populations d'oursins-diadèmes aux Canaries et dans le monde. Cet effondrement, qui frôle l'extinction locale, menace l'équilibre fragile des récifs coralliens. Les scientifiques s'inquiètent des conséquences en cascade de cette hécatombe marine dont l'agent pathogène reste un mystère.

Considérés comme les « jardiniers des mers », les oursins jouent un rôle crucial dans la santé des récifs. En broutant les algues, ils permettent aux coraux et autres organismes à croissance lente de prospérer.

Cependant, leur prolifération, souvent causée par la surpêche de leurs prédateurs, peut transformer des fonds marins foisonnants en « déserts d'oursins » stériles. C'est cet équilibre précaire qui vient d'être rompu de la manière la plus brutale qui soit.

De la surabondance à l'effondrement : la chute brutale aux Canaries

Aux îles Canaries, l'espèce Diadema africanum a longtemps illustré ce paradoxe. Depuis les années 1960, sa population a explosé, favorisée par le réchauffement des eaux et la raréfaction de ses prédateurs.

Cette surabondance a conduit à la création de vastes zones dénudées, poussant les autorités à tenter des mesures de contrôle biologique qui se sont avérées largement infructueuses.

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Le vent a tourné début 2022, lorsque des mortalités de masse ont été observées au large de La Palma et La Gomera. Les individus affectés devenaient léthargiques, perdaient leurs épines et leurs tissus avant de mourir.

Si des épisodes similaires avaient déjà eu lieu en 2008 et 2018, la situation actuelle est différente : aucune reprise n'a été constatée. Au contraire, une seconde vague mortelle a aggravé le bilan en 2023.

Une hécatombe sans précédent aux conséquences écologiques majeures

Les recherches menées par Iván Cano de l'Université de La Laguna sont sans appel. Les analyses sur 76 sites de l'archipel révèlent que l'abondance de D. africanum est à son plus bas niveau historique.

Les chiffres donnent le vertige : depuis 2021, on enregistre une diminution de 74 % à La Palma et un effondrement quasi total de 99,7 % à Tenerife. Plusieurs populations sont désormais au bord de l'extinction locale.

Plus inquiétant encore, la reproduction semble totalement à l'arrêt. Les pièges à larves installés au large de Tenerife sont revenus quasiment vides, et aucun juvénile n'a été observé sur les fonds rocheux.

Cette faillite reproductive suggère que la disparition de cet herbivore clé pourrait entraîner des changements profonds et durables dans l'écosystème marin, avec un risque majeur de prolifération d'algues qui étoufferaient les coraux.

Un pathogène inconnu et un avenir incertain pour les récifs

Le coupable de cette hécatombe reste à identifier. L'enquête scientifique s'oriente vers deux pistes principales. Des parasites unicellulaires du genre Philaster ont été associés à des mortalités similaires dans d'autres régions du monde.

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Foyers de mortalité d'oursins identifiés (credit : Frontiers in Marine Science)

Cependant, les précédents épisodes aux Canaries étaient liés à des amibes, comme Neoparamoeba branchiphila, apparues après de fortes houles, un phénomène également observé en 2022.

La crise aux Canaries n'est pas un phénomène isolé et s'inscrit dans un contexte bien plus large de pandémie marine, avec des mortalités massives signalées dans les Caraïbes, en Méditerranée, en Mer Rouge et dans l'Océan Indien.

Pour l'heure, les populations d'Asie du Sud-Est et d'Australie semblent épargnées. Mais pour combien de temps ? Cette crise soulève une question angoissante : assistons-nous aux prémices d'un bouleversement global des écosystèmes récifaux ?