Dans un revirement spectaculaire, l'École polytechnique a annoncé la suspension de son projet controversé de migration vers la suite Microsoft 365. Cette décision, qui intervient après des mois de mobilisation intense, est une victoire majeure pour les défenseurs du logiciel libre et de la souveraineté numérique.
Elle sonne comme un avertissement pour toutes les institutions publiques tentées de confier leurs données stratégiques à des géants technologiques étrangers.
Pourquoi ce projet était-il si controversé ?
Le projet était une bombe à retardement juridique et stratégique. En choisissant la suite de Microsoft, Polytechnique, fleuron de la recherche et de la défense française, s'apprêtait à placer les données de ses étudiants et de ses laboratoires sous la juridiction du droit extraterritorial américain. Une exposition directe au fameux Cloud Act, qui permet aux services de renseignement américains d'accéder à des données hébergées par leurs entreprises, même en Europe.
Pire encore, cette migration violait de manière flagrante l'article L123-4-1 du Code de l'éducation, qui impose l'usage prioritaire des logiciels libres dans l'enseignement supérieur. Un passage en force juridique que les défenseurs de la souveraineté n'ont pas laissé passer.
Comment la mobilisation a-t-elle fait plier l'école ?
Cette victoire est le fruit d'une offensive sur plusieurs fronts. Le Conseil National du Logiciel Libre (CNLL) a été le fer de lance de la contestation, en engageant une procédure précontentieuse qui menaçait de porter l'affaire devant les tribunaux. En parallèle, une forte mobilisation interne des personnels et des chercheurs, relayée par la presse, a mis la direction sous pression.
Le combat a également été porté sur le terrain politique, notamment par le député Philippe Latombe, qui a alerté le gouvernement sur les risques pour la sécurité des données sensibles de l'école, qui est sous tutelle du ministère des Armées. La convergence de ces actions a rendu la position de l'école intenable, la forçant à suspendre le projet.
Est-ce un cas isolé dans l'enseignement supérieur ?
Loin de là. L'affaire Polytechnique n'est que la partie émergée d'un problème systémique. Au même moment, la "CNIL autrichienne" vient de juger que Microsoft 365 Education viole le RGPD, notamment en pistant les étudiants et en utilisant leurs données à des fins commerciales. En France, de nombreux établissements subissent une pression constante pour adopter des solutions propriétaires américaines, parfois au mépris de la loi.
Des témoignages rapportent même que des enseignants-chercheurs sont désormais contraints d'abandonner les outils libres et ouverts au profit de cet écosystème fermé. Pour le CNLL, il est urgent de "sortir du déni" et de faire respecter la loi qui impose la priorité au logiciel libre et souverain.
Foire Aux Questions (FAQ)
Qu'est-ce que le Cloud Act ?
Le Cloud Act est une loi fédérale américaine de 2018 qui permet aux autorités judiciaires américaines de contraindre les fournisseurs de services basés aux États-Unis à fournir les données stockées sur leurs serveurs, même si ces données sont hébergées en dehors du pays. C'est une menace directe pour la confidentialité des données des citoyens et entreprises européens.
Pourquoi le logiciel libre est-il privilégié dans l'enseignement supérieur ?
La loi française (article L123-4-1 du Code de l'éducation) impose de donner la priorité aux logiciels libres et aux formats ouverts. L'objectif est de garantir l'indépendance technologique des institutions, la pérennité de l'accès aux données, la transparence des outils pédagogiques et de recherche, et de favoriser l'innovation locale.
Existe-t-il des alternatives crédibles à Microsoft 365 ?
Oui, l'écosystème du logiciel libre propose de nombreuses alternatives matures et performantes, que ce soit pour la bureautique (comme LibreOffice), la messagerie, la collaboration (comme Nextcloud) ou la visioconférence. Le CNLL affirme que les solutions souveraines françaises et européennes sont tout à fait capables de répondre aux besoins de l'enseignement supérieur.