Le climat se tend encore un peu plus pour les entreprises technologiques occidentales qui maintiennent une forme de présence en Russie. Lors d'une réunion au Kremlin avec des dirigeants d'entreprises russes, Vladimir Poutine a clairement indiqué sa volonté de réprimer durement ces acteurs étrangers. Des géants comme Microsoft et Zoom sont particulièrement ciblés. Le président russe a adopté une rhétorique de "réciprocité" cinglante face aux sanctions occidentales, laissant entendre que des mesures concrètes pourraient suivre pour favoriser les alternatives locales et pénaliser ceux qu'il considère comme nuisibles aux intérêts russes.

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"Il faut juste les étrangler" : Poutine répond aux doléances des entreprises russes

La charge présidentielle est intervenue après que Stanislav Yodkovsky, patron d'Iva Technologies, une société russe spécialisée dans les services de visioconférence, a pris la parole. Ce dernier a plaidé pour que l'on “limite légèrement le travail des services qui ont quitté la Russie, comme Zoom et Microsoft”, soulignant que cette concurrence internationale, même partielle, coûtait des milliards aux entreprises russes. La réplique de Vladimir Poutine a été immédiate et sans ambiguïté : “Il faut juste les étrangler. Je suis tout à fait d'accord.” Selon les retranscriptions de ses propos, il aurait poursuivi en affirmant : “Je le dis sans aucune gêne parce qu'ils essaient de nous étrangler. Nous devons rendre la pareille. C'est tout.” Le message est on ne peut plus clair. Le président russe a également profité de l'occasion pour suggérer que les entreprises et les consommateurs de Russie qui persistent à utiliser des services occidentaux feraient bien de se défaire de leurs “mauvaises habitudes”. Un appel à peine voilé à privilégier les solutions "made in Russia", dans un contexte où le pays cherche activement à renforcer sa souveraineté numérique face aux pressions extérieures.

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Un contexte de représailles et la quête d'une souveraineté numérique affirmée

Pour justifier cette position offensive, le dirigeant russe a rappelé que Moscou n'avait, selon lui, expulsé aucune entreprise occidentale en 2022, lors de la vague de départs consécutive au déclenchement du conflit en Ukraine. “Personne n'a été expulsé de Russie. Personne n'a été gêné dans ses activités,” a-t-il déclaré, avant d'ajouter que la Russie leur avait au contraire offert “les conditions les plus favorables pour opérer ici, sur notre marché, et ils essaient de nous étrangler. Nous devons répondre de la même manière, agir en miroir.” Depuis 2022, de nombreuses entreprises technologiques occidentales ont effectivement suspendu ou totalement cessé leurs opérations directes en Russie. Microsoft, par exemple, a officiellement fermé ses bureaux et mis un terme aux nouvelles ventes de ses produits et services. De son côté, Zoom a également restreint la commercialisation de ses solutions, notamment envers les entités gouvernementales et les conglomérats d'État russes, et s'est même vu infliger une amende par un tribunal russe en octobre 2023 pour avoir continué à opérer dans le pays sans y disposer d'un bureau local officiel. Il reste toutefois difficile d'évaluer avec précision l'ampleur de l'utilisation persistante de ces services par les consommateurs et les entreprises russes, via divers canaux ou des licences acquises antérieurement.

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Pas de "tapis rouge" pour un éventuel retour des entreprises occidentales

Pour les quelque 475 entreprises étrangères qui ont intégralement quitté le marché russe depuis le début de la guerre, selon les données compilées par la Kyiv School of Economics, un éventuel retour ne se ferait pas sans conditions drastiques. Anton Alikhanov, le ministre russe de l'Industrie et du Commerce, avait déjà planté le décor en février dernier : “Nous n'attendons personne les bras ouverts. Il y aura un prix à payer pour les décisions passées.” Vladimir Poutine a lui-même appuyé cette ligne dure en évoquant le cas de McDonald's. La chaîne de restauration rapide, qui a vendu ses activités russes en 2022 et a été rapidement remplacée par une enseigne locale, Vkusno i tochka ("Délicieux, un point c'est tout"), ne doit pas s'attendre à un accueil chaleureux. “Ils ont mis tout le monde dans une position difficile, se sont enfuis, et maintenant, s'ils veulent revenir, devrions-nous leur dérouler le tapis rouge ? Bien sûr que non,” a lancé le président russe, indiquant que tout retour serait soumis à des conditions protectionnistes strictes et qu'il n'y aurait pas de traitement de faveur. Ces déclarations fermes interviennent alors que certaines rumeurs font état d'un possible intérêt de la part de quelques firmes occidentales pour un retour discret sur le marché russe. Mais entre les intentions et la réalité, le chemin semble semé d'embûches, le Kremlin étant plus que jamais déterminé à favoriser ses champions nationaux et à imposer ses propres règles du jeu dans l'arène géopolitique technologique.