Le 9 décembre dernier, le projet de construction de deux réacteurs nucléaires de nouvelle génération sur le site de Bugey, dans l'Ain, a subi un sérieux revers. De manière assez inattendue, le tribunal administratif de Lyon a invalidé les autorisations d'urbanisme clés qui devaient permettre le lancement des travaux.
Cette décision fait suite à un recours de l'association Sortir du nucléaire Bugey et de plusieurs riverains, freinant un dossier pourtant activement soutenu par les élus locaux et par EDF.
Pourquoi la justice a-t-elle retoqué le projet ?
La décision des juges s'articule sur deux failles juridiques majeures. D'une part, la modification du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) a été jugée illégale. Le tribunal a estimé que l'ampleur des changements apportés pour accueillir les deux futurs réacteurs de type EPR2 nécessitait une procédure de révision complète, bien plus contraignante qu'une simple modification. C'est un vice de procédure qui a tout invalidé.
D'autre part, le Plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Loyette a été annulé pour une raison encore plus critique : l'insuffisance de l'évaluation environnementale. Le terrain de 150 hectares, choisi pour le projet, se situe au bord du Rhône et à moins de cent mètres de la zone Natura 2000 "L’Isle Crémieu". Une proximité avec un écosystème protégé qui, selon les juges, n'a pas été correctement prise en compte.
Quelle est la réaction d'EDF et des élus locaux ?
Loin de se sentir battus, EDF et les promoteurs locaux affichent leur détermination. L'énergéticien a rapidement communiqué que ce jugement "ne remet pas en cause le projet de construction des EPR2 à Bugey, ni son planning". Le groupe promet que les futures procédures reposeront sur une étude d'impact environnemental solide, démontrant l'application de la démarche ERC (Éviter/Réduire/Compenser).
Le son de cloche est identique du côté du syndicat Bucopa, qui représente les élus locaux. Qualifiant la décision d' "inutile et contreproductive", son directeur estime que la loi sur l'accélération du nucléaire permettra de toute façon de mettre les documents en compatibilité par l'autorité de l'État. Une manière de dire que l'opposition locale ne changera pas l'issue d'un projet d'envergure nationale. Un appel de la décision est d'ailleurs envisagé.
Quelles sont les implications pour l'avenir du nucléaire à Bugey ?
Pour les opposants, c'est une victoire au goût particulier. Jean-Pierre Collet, de Sortir du nucléaire Bugey, se dit "réconfortant de voir que la justice fait son travail" mais reste lucide : "c'est une étape". Cette décision est une grande victoire pour les militants écologistes, mais le projet est loin d'être enterré.
Concrètement, ce jugement force EDF et les autorités à reprendre les procédures à un stade antérieur, ce qui pourrait retarder le début des travaux préparatoires d'au moins un an. C'est un rappel que même face à un choix politique fort en faveur du nucléaire, les règles d'urbanisme et de protection de l'environnement doivent être scrupuleusement respectées.
Foire Aux Questions (FAQ)
Qu'est-ce qui a été précisément annulé par la justice ?
Le tribunal a annulé deux documents : la modification du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) Bugey-Plaine de l'Ain et la révision du Plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Loyette. Ces documents sont indispensables pour autoriser la construction sur les terrains visés.
Le projet de deux EPR2 à Bugey est-il abandonné ?
Non, le projet n'est pas abandonné. Il est cependant retardé. EDF et les collectivités locales devront relancer des procédures d'urbanisme conformes à la loi, notamment en menant une révision complète du SCOT et une évaluation environnementale plus poussée.
Qui sont les opposants à l'origine de ce recours ?
Le recours a été porté par l'association "Sortir du nucléaire Bugey", rejointe par une demi-douzaine de riverains qui luttent contre ce projet d'extension de la centrale nucléaire existante.