L'open source matériel est en crise, c'est un constat amer  mais nécessaire, posé par des acteurs majeurs comme Josef Prusa lui-même, qui a déjà déclaré que "l'impression 3D de bureau open source est morte".

Pour contrer cette spirale, son entreprise a lancé l'Open Community License (OCL), un cadre juridique pensé pour les défis spécifiques de la création physique. Pour prouver son engagement, Prusa Research a immédiatement placé les fichiers CAO de ses imprimantes CORE One sous cette nouvelle bannière.

Quel problème l'OCL cherche-t-il à résoudre ?

La genèse de l'OCL vient d'un constat d'échec des licences existantes, souvent conçues pour le logiciel et mal adaptées au matériel. L'exemple le plus frappant est l'affaire "Dummy 13", du nom d'une célèbre figurine articulée créée par Soozafone et partagée sous licence Creative Commons. Un tiers a tout simplement copié le design, déposé un brevet aux États-Unis et a ensuite envoyé une mise en demeure au créateur original pour qu'il retire sa propre œuvre.

Dummy 13

Cette affaire a exposé une faille béante dans la protection de la propriété intellectuelle pour les créations partagées librement. Les "patent trolls" exploitent ces faiblesses, transformant le partage communautaire en cauchemar juridique. Avec une licence comme Creative Commons, révoquer les droits d'un acteur de mauvaise foi est quasi impossible. L'OCL a été spécifiquement bâtie pour combler ce vide et donner aux créateurs un outil de défense plus robuste.

Concrètement, que permet et qu'interdit cette licence ?

L'OCL se veut lisible et directe. Pour les makers et les passionnés, la liberté est totale : ils peuvent utiliser, modifier et partager les dérivés de leurs créations. Le cadre défini par Prusa Research est simple. Pour les entreprises, l'usage interne est explicitement autorisé. Une société peut donc construire une ferme d'impression basée sur un design OCL ou l'adapter pour ses propres besoins de production. La grande restriction est claire : l'exploitation commerciale des fichiers, c'est-à-dire la vente du produit ou de ses dérivés, est interdite sans un accord séparé.

Prusa Core One

Au-delà de cette règle principale, cette nouvelle licence inclut des protections modernes. Elle intègre une clause contre le minage de données par les IA, un droit à la réparation codifié qui garantit la possibilité de produire des pièces détachées, et surtout, une concession de brevet explicite. En téléchargeant un fichier OCL, l'utilisateur accepte de ne pas breveter le design. S'il le fait, il est en violation de contrat, une procédure légale bien plus simple et moins coûteuse à prouver que l'antériorité d'une œuvre.

Quelles sont les implications pour l'écosystème de l'impression 3D ?

Loin d'être un repli, l'OCL est une tentative de créer une voie médiane. Prusa ne ferme pas la porte, mais installe un sas de sécurité. L'objectif est de protéger l'innovation des créateurs contre les copies opportunistes qui ont miné l'industrie, tout en préservant la culture du remix et de l'amélioration communautaire. C'est une réponse pragmatique aux réalités d'un marché où la bonne foi ne suffit plus comme rempart.

Prusa

Cette initiative vise à créer un modèle économique durable pour l'open source matériel. En protégeant ses propres inventions avec des brevets tout en les partageant via l'OCL, Prusa établit un équilibre : l'entreprise peut se défendre tout en continuant de nourrir l'écosystème. Le message est désormais le suivant : le partage est possible, mais il doit se faire selon des règles qui protègent ceux qui créent.

Foire Aux Questions (FAQ)

L'OCL est-elle une licence open source ?

Elle s'inspire fortement de la philosophie open source en permettant la modification et le partage, mais elle n'est pas "open source" au sens puriste du terme en raison de sa restriction sur l'exploitation commerciale. Elle se positionne comme une licence "source available" ou "communautaire".

Qui peut utiliser cette nouvelle licence ?

Absolument tout le monde. Prusa encourage activement les autres créateurs et entreprises à adopter l'OCL pour leurs propres projets afin de créer un standard de protection plus fort pour l'ensemble de la communauté du matériel libre.

En quoi l'OCL protège-t-elle mieux qu'une licence Creative Commons ?

La différence majeure réside dans la protection contre les brevets et la gestion des acteurs malveillants. L'OCL transforme le dépôt de brevet par un tiers en une rupture de contrat, plus facile à attaquer en justice. De plus, elle permet de révoquer la licence d'un utilisateur qui agirait de mauvaise foi, une option absente de nombreuses licences Creative Commons.