C'est l'histoire d'un coup de chance spectaculaire. En 2020, des scientifiques australiens déploient un flotteur Argo près de l'Antarctique de l'Est. Mais au lieu de suivre sa route, l'engin est emporté par les courants et disparaît sous l'immense barrière de glace. Huit mois plus tard, contre toute attente, le petit engin refait surface, chargé de données uniques au monde.
Quelles informations ce survivant des glaces a-t-il rapportées ?
Le flotteur a réalisé un périple de 300 kilomètres sous les plateformes glaciaires Denman et Shackleton. Pendant près de deux ans et demi, il a enregistré près de 200 profils océanographiques, mesurant des paramètres vitaux toutes les cinq jours, du plancher océanique jusqu'à la base de la glace.
Ces mesures, les toutes premières du genre dans cette région, concernent la température de l'eau, sa pression et sa salinité. C'est une véritable mine d'or pour les scientifiques qui tentent de comprendre les mécanismes de fonte des glaces, un processus jusqu'ici très difficile à observer directement.
Que nous apprennent ces données sur la menace climatique ?
Les résultats dressent un portrait contrasté. La plateforme Shackleton, la plus au nord, semble pour l'instant épargnée par les eaux chaudes de l'océan capables de la faire fondre par le dessous. Elle est donc, pour le moment, moins vulnérable.
La situation est bien plus critique pour le glacier Denman. Les mesures confirment que de l'eau chaude atteint déjà sa base. Ce géant de glace, dont la fonte complète entraînerait une hausse de 1,5 mètre du niveau des mers, est sur un fil. Une légère variation de cette couche d'eau chaude pourrait accélérer sa fonte de manière irréversible.
Comment les scientifiques ont-ils pu suivre le robot sans GPS ?
Coincé sous des centaines de mètres de glace, le robot ne pouvait communiquer avec aucun satellite. Les chercheurs ont dû jouer les détectives. Selon Steve Rintoul, l'océanographe du CSIRO en charge du projet, chaque fois que l'engin heurtait la glace, il enregistrait la profondeur.
En comparant ces "coups sur la tête" avec les cartes satellites de l'épaisseur de la glace, l'équipe a pu reconstituer le parcours du flotteur. Cette astuce a permis de localiser précisément les précieuses mesures et ouvre la voie au déploiement de plus de flotteurs pour affiner les modèles climatiques et réduire les incertitudes sur la future montée des eaux.
Foire Aux Questions (FAQ)
Pourquoi est-il si difficile d'étudier sous les plateformes de glace ?
Les plateformes peuvent faire des centaines, voire des milliers de mètres d'épaisseur. Forer un trou est extrêmement coûteux et complexe, ce qui limite drastiquement le nombre de mesures possibles directement dans ces cavités sous-glaciaires.
Quel est le rôle exact de ces plateformes de glace ?
Elles agissent comme des verrous ou des contreforts. Elles freinent l'écoulement des glaciers du continent vers l'océan. Si elles s'affaiblissent ou s'effondrent, le flux de glace vers la mer s'accélère, provoquant une hausse du niveau global des océans.
Cette mission était-elle prévue ainsi ?
Pas du tout. C'était un accident heureux. Le flotteur a été dévié de sa trajectoire initiale par des courants imprévisibles, ce qui a mené à cette découverte totalement inattendue mais exceptionnellement précieuse pour la science du climat.