La Chine n’a jamais été aussi avancée en matière de robotisation industrielle. En exploitant plusieurs centaines de milliers de robots dans ses usines chaque année, le pays revendique aujourd’hui plus de deux millions de robots opérationnels, soit plus que le reste de la planète réuni.

Mais derrière les chiffres se dessine une évolution de l’industrie mondiale et une confrontation de modèles : stratégie d’État, essor des startups et mutation des emplois. L’ère de la robotisation made in China est en marche.

La stratégie offensive de la Chine en robotique : un rouleau compresseur industriel

Depuis 2015, la Chine a fait des robots industriels une priorité nationale. Sous l’impulsion du plan « Made in China 2025 », l'État a multiplié les subventions, facilité l’accès au crédit et poussé les industriels à automatiser massivement.

En conséquence, près de 300 000 robots ont été installés en 2024, selon la Fédération Internationale de Robotique, permettant au pays de devancer largement les États-Unis et le Japon, qui plafonnent respectivement à 34 000 et 44 000 installations.

En à peine six ans, la Chine a doublé son stock de robots et a produit à elle seule près d'un tiers des biens manufacturés mondiaux. Les anciens leaders européens et asiatiques voient l'écart se creuser, tandis que la Chine consolide sa place sur le podium de l’industrie automatisée.

Du robot importé au robot made in China : la bascule de la filière

Longtemps dépendante de fournisseurs étrangers, la Chine renverse aujourd’hui la vapeur. En 2024, pour la première fois, près de 60 % des robots installés dans les usines chinoises étaient produits localement, contre 47 % l’année précédente. Cette évolution résulte d’une politique industrielle volontariste passant par le rachat de concurrents, les investissements massifs dans la recherche et le soutien aux startups spécialisées.

La société Unitree Robotics, basée à Hangzhou, incarne cette nouvelle dynamique. En lançant certains des humanoïdes les plus abordables du marché à environ 6 000 dollars, elle bouleverse la concurrence internationale, rendant la robotique avancée accessible à plus d’acteurs… même si, côté capteurs ou semi-conducteurs de pointe, le pays reste dépendant de technologies étrangères, selon l’analyse de l’expert Lian Jye Su.

IA, open source et test terrain : le nouveau visage de la robotique chinoise

Contrairement aux groupes américains qui privilégient les tests en laboratoire et une approche propriétaire, la Chine adopte une philosophie plus ouverte et pragmatique.

Des plateformes comme Lingqu OS se présentent comme l’« Android pour robots », permettant à de nombreux développeurs d’intégrer et d’expérimenter en conditions réelles. « Apprendre sur le terrain, itérer vite », voilà le credo : chaque tâche effectuée par un robot enrichit la base de données collective, offrant un avantage déterminant pour le développement de l’intelligence artificielle embarquée.

Logistique, sécurité, commerce… Les robots sortent des usines et sont déjà bien présents dans de nouveaux secteurs, générant des milliards de données. À l’inverse, les géants américains misent sur la maîtrise algorithmique en vase clos, espérant obtenir des solutions parfaites avant tout déploiement à grande échelle. .

Vers une redéfinition du travail et du savoir-faire industriel

La transition rapide vers l’automatisation soulève de nouveaux défis. Loin de supprimer tous les emplois, la robotisation accélère la transformation des métiers. Installateurs, techniciens de maintenance ou ingénieurs spécialisés sont aujourd’hui très recherchés, avec des salaires attractifs pour certains profils en Chine.

Le pays connaît une forte augmentation de la demande pour les métiers techniques et informatiques, avec une évolution du rôle des opérateurs, désormais dédiés au contrôle, à la programmation et à la gestion de projets automatisés.

Le passage à l’industrie du futur dépasse le cadre  de la simple course aux installations. Il implique un repositionnement complet des savoir-faire et une adaptation constante à l'évolution des outils numériques et de la robotique.