La Russie s'apprête à tourner une page majeure de son histoire numérique. Le régulateur des télécommunications, Roskomnadzor, a menacé de bloquer complètement WhatsApp, accusant l'application de Meta de servir à des "activités criminelles".
Cette manœuvre vise à pousser des millions d'utilisateurs vers MAX, une alternative nationale soutenue par le pouvoir et qui soulève déjà de sérieuses questions sur la surveillance des citoyens.
Qu'est-ce que MAX, la "super-app" voulue par le pouvoir ?
Développée par le géant russe VK, MAX n'est pas une simple messagerie. C'est une "super-application" conçue sur le modèle de WeChat en Chine, combinant messagerie, appels, services administratifs et fonctionnalités du quotidien, comme la commande d'une pizza. Depuis le 1er septembre, son installation est obligatoire sur tous les nouveaux smartphones et tablettes vendus dans le pays.
Cette décision marque la volonté du Kremlin d'imposer un écosystème numérique souverain. Le projet est d'ailleurs piloté par des figures très proches du pouvoir, comme Vladimir Kirienko, le fils d'un chef adjoint de l'administration présidentielle, renforçant les soupçons d'un contrôle étatique étroit.
Pourquoi cette transition forcée suscite-t-elle la méfiance ?
L'argument officiel de la Russie est de lutter contre la délinquance et de réduire la dépendance envers les plateformes étrangères. Pourtant, la principale source d'inquiétude vient d'une différence technique cruciale : MAX ne propose pas de chiffrement de bout en bout. Contrairement à WhatsApp, qui protège les conversations de l'expéditeur au destinataire, les échanges sur MAX pourraient être accessibles aux autorités.
Cette absence de chiffrement transformerait de fait l'application en un puissant outil de surveillance. Les défenseurs des droits humains et les avocats spécialisés dans les libertés publiques craignent une extension massive des pouvoirs de la police, capable de consulter les échanges privés des citoyens sur simple demande.
Comment réagissent les utilisateurs russes ?
Sur le terrain, les réactions sont partagées et oscillent entre méfiance et résignation. De nombreux utilisateurs, comme Ekaterina, une médecin de 39 ans, expriment leurs doutes. "Je n'ai pas trop confiance", confie-t-elle, hésitant à installer MAX malgré la demande de son employeur. La perte de l'historique des conversations et le lien professionnel avec les patients sur WhatsApp sont des freins majeurs.
D'autres, à l'image du retraité Sergei Abramov, soutiennent la ligne officielle, estimant que "tout ce qui est créé à l'étranger est désormais une menace". Entre pragmatisme et adaptation, une partie de la population se prépare à ce que certains qualifient de "restriction de nos libertés", tout en cherchant des alternatives pour communiquer.
Foire Aux Questions (FAQ)
L'application MAX est-elle déjà populaire en Russie ?
Oui, l'application revendique déjà près de 50 millions d’utilisateurs, un chiffre largement favorisé par son installation par défaut sur les nouveaux appareils et la pression exercée sur les fonctionnaires et employés de certaines entreprises pour qu'ils l'adoptent.
WhatsApp est-il le seul service de messagerie visé ?
Non, la Russie a déjà restreint les appels via WhatsApp depuis août et a également visé Telegram par des mesures similaires. Cela s'inscrit dans une stratégie plus large de contrôle et de "souverainisation" de l'ensemble des plateformes de communication étrangères.
Qui est derrière le développement de MAX ?
L'application est développée par l'entreprise VK (anciennement VKontakte), le géant russe des réseaux sociaux. Son directeur général est Vladimir Kirienko, fils d'un haut responsable de l'administration présidentielle, Sergueï Kirienko, un proche de Vladimir Poutine.