D’où provient l’eau qui recouvre notre planète ? Une question qui fascine, interpelle et interroge la communauté scientifique depuis des décennies. Grâce à de minuscules échantillons récupérés de l’astéroïde Ryugu, une nouvelle énigme émerge : et si des astéroïdes similaires avaient contribué bien plus massivement à la création des océans terrestres ? Les révélations apportées par les chercheurs japonais et internationaux apportent de nouveaux éléments.
L’eau, vestige inattendu d’un passé spatial
Des chercheurs japonais, guidés par Tsuyoshi Iizuka de l’Université de Tokyo, ont analysé des échantillons prélevés sur Ryugu grâce à la sonde Hayabusa2. Ils révèlent une histoire insoupçonnée : le corps parent de Ryugu aurait gardé de l’eau sous forme de glace pendant plus d’un milliard d’années.
La surface de Ryugu capturée par Hayabusa2
Cette découverte s’appuie sur des analyses isotopiques pointues, montrant que l’eau n’était pas simplement piégée dans des minéraux hydratés, mais était présente aussi sous forme de glace pure plus longtemps que prévu.
Le rôle des collisions et la migration de l’eau
Les origines du mystère remontent à la formation du Système solaire. Avant de devenir Ryugu, ce fragment évoluait au sein d’une « planétésimal », un embryon de planète constitué de poussière et de glace. Un milliard d’années après sa naissance, une collision majeure aurait fracturé et réchauffé cet astre, provoquant la fonte de sa glace, libérant ainsi de l’eau liquide dans la roche.
La collision aurait permis la migration de l’eau vers les fragments formés. Certains vestiges, comme Ryugu, auraient conservé une trace chimique intacte de cette activité aqueuse.
Vue d'artiste de Hayabusa2 approchant l'astéroïde Ryugu
Cette migration de l’eau implique que des astéroïdes auraient pu jouer un rôle bien plus important dans l’apport d’eau sur Terre que ne le suggéraient les anciens modèles.
Certains spécialistes vont jusqu’à dire que le volume d’eau livré par ces corps pourrait être 2 à 3 fois supérieur aux estimations précédentes.
Des indices chimiques révolutionnaires
Au cœur de la découverte : le système isotopique du lutécium-176 et hafnium-176. Lorsque l’eau circule, elle modifie les rapports de ces isotopes, ce qui laisse une empreinte durable dans la roche.
Ryugu présente un ratio totalement différent par rapport aux météorites terrestres, ce qui a permis aux chercheurs d’écarter d’autres explications et de confirmer l’existence d’un écoulement tardif de fluides.
Comment de l'eau liquide a pu se former et persister sur Ryugu
“Nous avons trouvé que Ryugu a préservé un registre immaculé de l’activité de l’eau, preuve que des fluides ont circulé dans la roche plus récemment que prévu”, explique le géochimiste japonais.
Ces indices chimiques indiquent une histoire plus longue et complexe que celle offerte par les météorites “classiques” — et suscitent de nouvelles interrogations sur les autres corps célestes proches de la Terre.
Une implication majeure pour la Terre
Si les Ryugu du passé ont bien transporté de l’eau sous forme de glace et de liquide, il faut alors revoir la manière dont notre planète s’est enrichie en eau. Les chercheurs estiment que ces astéroïdes pourraient être responsables d’une partie significative des océans, changeant ainsi le paradigme sur la provenance de l’eau terrestre.
Ce constat fait écho à des problèmes non résolus dans les modèles classiques — la “pénurie” de vapeur d’eau dans le système solaire interne était une énigme depuis longtemps.
La migration de l’eau serait finalement plus courante et plus durable que prévu et les astéroïdes seraient une source majeure et inattendue d’eau pour notre planète.
La recherche de traces d’eau est loin d’être terminée. Ryugu n’est pas un cas isolé : d’autres corps pourraient encore révéler des secrets, chaque nouvelle mission spatiale devenant une chasse aux indices hydriques. L’avenir réserve-t-il d’autres surprises quant à notre origine aquatique ?
Les enjeux pour l’astronomie moderne
Le cas Ryugu interroge sur la façon dont la vie a pu émerger dans un contexte où l’eau, élément vital, aurait été plus accessible par le biais de l’espace que ce que l’on pensait.
Les scientifiques appellent à revoir les scénarios sur la construction des systèmes planétaires et à intensifier les recherches sur les propriétés isotopiques des astéroïdes. Toute avancée dans ce domaine pourrait influencer les futures missions et théories sur la formation de la vie dans l’Univers.