Le Système de Combat Aérien du Futur, plus connu sous le nom de SCAF, représente depuis 2017 l’un des symboles de l’ambition européenne en matière de défense.

Destiné à remplacer les flottes d’avions existantes à l’horizon 2040, ce programme mobilise plusieurs partenaires européens, dont la France, l’Allemagne et l’Espagne. Pourtant, une profonde crise vient d’éclater : l’Allemagne, exaspérée par les exigences jugées excessives de la France, envisage désormais d’autres alliances, faisant planer la menace d’un divorce inédit entre Paris et Berlin. 

Les raisons d’un blocage historique entre Paris et Berlin

Le blocage du SCAF trouve ses racines dans des rivalités industrielles mais aussi dans la gestion de la répartition des tâches entre les acteurs principaux. La France, via le constructeur Dassault, défend sa position de leader technologique, arguant de son savoir-faire reconnu dans l’aéronautique militaire dont témoigne le succès du Rafale.

De l’autre côté, Airbus, représentant les intérêts allemands et espagnols, refuse de se voir cantonner à un rôle secondaire. Cette fracture s’accentue sur la question de l’accès aux technologies.

Mais pour Berlin, financer sans pouvoir exploiter en profondeur les technologies aurait peu de sens. Face à cet enlisement, des voix allemandes se font plus pressantes, évoquant la possibilité de travailler désormais avec la Suède ou le Royaume-Uni, alors que Paris ne semble pas disposé à céder davantage de contrôle.

Une coopération menacée : tentation du changement de partenaires

De fait, l’Allemagne songe à explorer de nouveaux horizons. Les tensions déjà perceptibles ces derniers mois atteignent désormais un point critique, au point que Berlin ne cache plus sa volonté de tourner la page : "Le gouvernement allemand a indiqué à Airbus qu'il envisage concrètement de faire sans la France".

Rendu du démonstrateur britannique d'avion de chasse de nouvelle génération

Le contexte européen complique cependant les cartes, car le Royaume-Uni poursuit parallèlement son propre programme, le Tempest, avec l’Italie et le Japon, qui traverse lui aussi des turbulences. Quant à la Suède, après avoir quitté le projet Tempest fin 2023, le constructeur Saab pourrait être disponible pour rejoindre de nouveaux partenaires.

Cette situation rappelle le précédent des années 1980 où la France, en désaccord avec ses partenaires européens, avait pris la décision de développer seule son Rafale, alors que l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni donnaient naissance à l’Eurofighter.

Espagne et Allemagne : volontarisme affiché, mais obstacles réels

Les récents échanges entre le chancelier allemand Friedrich Merz et le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez illustrent l’inquiétude croissante, mais aussi une volonté de sortir de l’impasse.

Ils affichent une position commune : “Nous partageons le même avis : la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Nous n’avançons pas dans ce projet”. Berlin et Madrid entendent donc intensifier les discussions avec Paris, avec l'impératif de trouver une solution avant la fin de l'année.

Cette dynamique de relance collective ne gomme toutefois pas les difficultés majeures, ni la fatigue de certains partenaires vis-à-vis des désaccords persistants.

SCAF : symbole d’une autonomie stratégique européenne en danger ?

Au-delà des logiques industrielles, l’arrêt du SCAF serait porteur d’un message politique fort : l’incapacité de l’Europe à conduire un projet majeur en matière de défense, à l'heure des renversements d'alliance dans les grands blocs géographiques.

Ce programme, censé renforcer la souveraineté stratégique du continent, traverse actuellement des remous tels qu’ils mettent en péril sa légitimité même. Si aucune solution n'est trouvée avant la fin de l’année, la construction du démonstrateur, étape clé du calendrier, pourrait être compromise.

La relance du projet SCAF passe donc par un compromis rapide entre les grands acteurs. Un nouvel échec pourrait signifier le retour à une multiplication de projets concurrents, affaiblissant d’autant l’ambition d’Europe de la Défense.