Le SCAF, programme majeur de défense européen, est en sursis. Selon le Financial Times, Paris et Berlin envisageraient de renoncer à l'avion de combat (NGF) pour ne garder que le cloud de combat.

Une décision qui solderait les profondes dissensions industrielles entre Dassault et Airbus, et marquerait un échec stratégique pour la souveraineté européenne.

Le Système de combat aérien du futur (SCAF) ne date pas d'hier. Lancé en 2017, ce projet pharaonique devait symboliser la souveraineté stratégique européenne face aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Son ambition : remplacer les Rafale français et les Eurofighter allemands et espagnols d'ici 2040 par un système de systèmes  modulaire avancé.

SCAF

Le projet repose sur deux piliers : un avion de combat de sixième génération (le NGF, ou New Generation Fighter) et un cloud de combat utilisant l'IA pour connecter cet avion à des drones, des capteurs, des radars et des centres de commandement terrestres ou maritimes.

Un blocage industriel devenu politique

Mais le projet est grippé. La phase 2, qui devait être validée fin 2024, est gelée par les turbulences politiques à Paris, comme la censure du gouvernement Barnier, et à Berlin, avec l'implosion de la coalition Scholz. C'est dans ce vide que le bras de fer industriel s'est intensifié.

D'un côté, Dassault Aviation, maître d'œuvre historique, réclame la direction du pilier 1 (l'avion) avec 51% de la charge de travail, comme convenu initialement. De l'autre, Airbus, soutenu par l'Allemagne et l'Espagne, refuse et pousse pour un modèle de "co-co-co" qui dilue les responsabilités de pilotage. Le PDG de Dassault, Éric Trappier, a même publiquement défié Airbus de construire l'avion seul.

L'hypothèse d'un SCAF "allégé"

La nouvelle, rapportée par le Financial Times, frappe fort : Paris et Berlin discuteraient désormais d'un scénario radical pour sortir de l'impasse. Celui-ci consisterait à renoncer purement et simplement au développement conjoint du NGF.

Rafale

Le SCAF ne serait alors plus qu'un cloud militaire. Un système de commandement et de contrôle avancé, certes, mais sans son avion emblématique. L'Allemagne pourrait alors, selon certaines sources, développer son propre appareil, tout comme la France, qui via sa ministre des Armées Catherine Vautrin, rappelle que Dassault reste la référence en la matière.

Un aveu d'échec pour la souveraineté européenne ?

Les conséquences d'un tel virage seraient lourdes. La Belgique, simple observateur mais prête à investir 300 millions d'euros, hésite déjà. Son chef de la Défense, Frederik Vansina, a prévenu qu'il ne pouvait recommander un investissement dans un projet "qui ne verra peut-être pas le jour".

Rendu potentiel du GCAP britannique

Il souligne aussi la concurrence du F-35 américain, déjà choisi par quatorze pays européens et jugé "moins cher et meilleur opérationnellement", ainsi que celle du programme GCAP (ex-Tempest) britannique. Si le SCAF "allégé" se confirme, ce serait un aveu d'échec majeur.

L'Europe prouverait sa capacité à produire des briques technologiques (IA, drones, cloud), mais son incapacité à les fédérer dans un grand programme d'armement commun. La question de la prochaine génération d'avions de combat sur le continent se poserait alors à nouveau, en ordre totalement dispersé.