Un rapport parlementaire américain accuse cinq géants des équipements pour semi-conducteurs, dont ASML et Tokyo Electron, d'avoir vendu pour des dizaines de miliards de dollars de technologies à la Chine en 2024.
Ces ventes, parfois à des entités liées à l'armée chinoise, saperaient la sécurité nationale américaine et alimenteraient les ambitions militaires de Pékin.
Au cœur de la rivalité stratégique entre les deux plus grandes puissances mondiales se trouve la maîtrise des puces électroniques, un composant essentiel à l'intelligence artificielle et aux systèmes d'armement modernes.
Malgré les efforts de Washington pour freiner les ambitions de Pékin via des contrôles à l'exportation, un rapport publié par une commission spéciale du Congrès américain révèle l'ampleur des liens commerciaux qui persistent.
En 2024, cinq fabricants majeurs d'équipements ont vendu pour 38 milliards de dollars de technologies à la Chine.
Des ventes qui sapent la sécurité nationale américaine
Le rapport parlementaire américain, issu de la commission sur la concurrence avec le Parti communiste chinois, est sans équivoque. Il affirme que les entreprises visées "accroissent leurs profits au détriment de la sécurité des États-Unis".
Le document épingle trois sociétés américaines (Applied Materials, KLA Corporation, Lam Research), mais cible surtout le géant néerlandais ASML et son concurrent japonais Tokyo Electron.
L'accusation est grave : ces entreprises auraient vendu des équipements de pointe à des entités chinoises considérées comme une menace, y compris certaines soupçonnées d'être liées à l'armée.
Au total, le marché chinois représente 39% des revenus de ces cinq leaders mondiaux, montrant une dépendance économique qui complique l'équation géopolitique.
ASML et Tokyo Electron : les grands gagnants des restrictions ?
Le rapport suggère un effet pervers des sanctions américaines. En resserrant l'étau sur ses propres entreprises, Washington aurait involontairement ouvert un boulevard commercial pour ses concurrents européens et japonais.
Le cas d'ASML est particulièrement frappant. En 2024, l'entreprise a vendu 70 % de ses systèmes de lithographie par ultraviolets profonds (DUV) à la Chine, contre seulement 26 % deux ans plus tôt.
Ces machines sont des outils extrêmement sophistiqués et indispensables pour graver les circuits sur les plaquettes de silicium (ou wafers) qui deviendront des semi-conducteurs.
Parmi les principaux clients de ces fournisseurs entre 2022 et 2024 figure le champion chinois des puces, SMIC, une entreprise que Washington soupçonne de collaborer étroitement avec l'appareil militaire de Pékin.
Ces ventes sont donc perçues comme un moyen pour la Chine de contourner les blocages et de poursuivre sa course à l'autonomie technologique.
Vers un durcissement inévitable des contrôles à l'exportation
Face à ce constat, la commission parlementaire prévient que "la Chine met tout en œuvre pour développer une industrie nationale de semi-conducteurs qui soit autonome".
Une autonomie qui, selon les auteurs, servirait directement des projets militaires menaçant les intérêts américains. Le rapport utilise des termes forts, alertant que les équipements vendus sont "de quoi forger des armes et des outils de surveillance du futur".
La principale recommandation est donc de changer de paradigme. Plutôt que de limiter uniquement l'exportation des puces les plus avancées, les parlementaires appellent à restreindre en amont l'accès à tous les outils de fabrication, renforçant certaines restrictions déjà mises en place sur l'exportation des équipements de lithographie EUV et DUV, couvrant ainsi le matériel récent mais aussi plus ancien.
Cette nouvelle étape passerait inévitablement par une meilleure harmonisation des contrôles à l'exportation avec les alliés stratégiques, notamment les Pays-Bas et le Japon, pour créer un front commun et véritablement efficace.