Orange, Bouygues Telecom et Iliad (Free) ont déposé une offre commune non-engageante pour acquérir la majorité des actifs de l'opérateur SFR, concrétisant les rumeurs d'un projet de rachat de nature à modifier profondément le marché.

Cette manœuvre, motivée par la dette colossale de sa maison mère Altice, pourrait redessiner le paysage des télécoms français en le ramenant à trois acteurs majeurs, sous réserve de l'approbation des autorités réglementaires.

C'est une annonce qui secoue le secteur. Dans un communiqué commun, Orange, Bouygues Telecom et Free ont officialisé la remise d'une offre non engageante pour racheter "une grande partie des activités" d'Altice France, qui contrôle l'opérateur SFR.

La proposition valorise les actifs ciblés à 17 milliards d'euros, pour une valeur d'entreprise implicite estimée à plus de 21 milliards pour l'ensemble d'Altice France. Le rêve des opérateurs s'apprête à prendre forme : consolider un marché jugé mature et revenir à une configuration à trois opérateurs, comme c'était le cas avant l'arrivée fracassante de Free en 2012.

Un colosse aux pieds d'argile nommé Altice

Pour comprendre les raisons de cette offensive coordonnée, il faut se tourner vers la situation financière d'Altice. Le groupe, propriété de Patrick Drahi, ploie depuis des années sous une dette colossale qui a dépassé les 24 milliards d'euros.

Une récente restructuration a permis de ramener ce fardeau à 15,5 milliards et de repousser les échéances, mais cette opération a aussi rendu l'opérateur "vendable" en allégeant sa structure financière.

Les créanciers, devenus actionnaires, voient probablement d'un bon œil cette opportunité de sortie, même si le montant proposé est en deçà des 28 à 30 milliards espérés initialement par le propriétaire.

Un démantèlement orchestré : qui prend quoi ?

Loin d'être une simple acquisition, le projet s'apparente à un véritable partage des dépouilles, orchestré pour satisfaire les appétits de chacun tout en ménageant les sensibilités concurrentielles.

La répartition des actifs est déjà clairement esquissée. Bouygues Telecom , compagnon de SFR sur la mutualisation des infrastructures, se taillerait la part du lion avec 43 % du périmètre, récupérant notamment la majeure partie de l'activité B2B (entreprises) ainsi que le stratégique réseau mobile de SFR en zone non dense.

Free (groupe Iliad) et Orange se partageraient le reste, avec respectivement 30 % et 27 % des actifs. Les trois acteurs se diviseraient l'activité grand public (B2C), les infrastructures et les précieuses fréquences.

Cette répartition semble calculée pour permettre à chacun de se renforcer sans créer une position ultra-dominante qui serait immédiatement retoquée par les régulateurs. Une société commune serait même créée pour gérer la transition et la migration des clients de manière progressive.

Un long chemin semé d'obstacles réglementaires

Toutefois, le chemin est encore long et semé d'embûches. L'offre n'est pour l'instant que "non engageante". Une phase d'évaluation financière et opérationnelle de plusieurs mois va s'ouvrir pour confirmer que la réalité des actifs correspond aux hypothèses des acheteurs. Ce n'est qu'après cette étape qu'une offre ferme pourrait être déposée, probablement pas avant la fin du premier trimestre 2026.

Le principal obstacle restera cependant l'examen par les autorités. L'Autorité de la concurrence en France et potentiellement la Commission européenne (plutôt hostile aux consolidations télécom) scruteront à la loupe cette concentration.

Le passage de quatre à trois opérateurs n'est jamais une décision neutre pour le consommateur, et l'Arcep, le gendarme des télécoms, veillera également au grain. Bouygues Telecom estime lui-même que l'opération, si elle aboutit, ne se concrétisera pas avant le second semestre 2027.

L'issue de ce feuilleton industriel déterminera non seulement le sort de l'empire de Patrick Drahi, mais aussi le visage de la connectivité en France pour les années à venir.