La semaine dernière, l'orbite terrestre basse a été le théâtre d'une quasi-catastrophe. Un satellite fraîchement déployé par une fusée chinoise a croisé la route d'un satellite du réseau Starlink à une distance dangereusement faible de 200 mètres. L'incident a immédiatement déclenché une réaction de la part de Michael Nicolls, vice-président de l'ingénierie Starlink chez SpaceX. Il a publiquement mis en cause le manque de coordination de l'opérateur chinois, soulignant que ce dernier n'avait partagé aucune donnée d'éphéméride (les informations prédisant la position future d'un satellite), rendant toute anticipation impossible. Le satellite concerné, STARLINK-6079, opère à une altitude de 560 kilomètres depuis plus de deux ans.

Que s'est-il réellement passé à 560 kilomètres d'altitude ?

L'événement trouve son origine dans un lancement effectué depuis le Centre de Lancement de Satellites de Jiuquan, dans le nord-ouest de la Chine. Neuf satellites ont été mis en orbite par la société commerciale CAS Space. Selon les données de la Force Spatiale américaine, confirmées par l'astronome Jonathan McDowell, l'un de ces objets non identifié précisément parmi les neuf charges utiles, s'est dangereusement rapproché d'un satellite du réseau Starlink. Il est crucial de noter que les satellites Starlink sont équipés pour effectuer des manœuvres d'évitement automatiques, une capacité essentielle face à l'encombrement croissant de l'espace.

Starlink

Cependant, ce système anticollision ne peut fonctionner que si les objets à éviter sont connus et suivis. Sans partage des données de trajectoire, un satellite nouvellement lancé devient un obstacle imprévisible. Pour donner une idée de l'ampleur du problème, les engins de SpaceX ont dû réaliser plus de 144 000 manœuvres d'évitement au cours d'une récente période de six mois, une statistique qui illustre la densité de trafic et les risques permanents en orbite.

Quelle a été la réponse des différentes parties impliquées ?

Face aux accusations de SpaceX, la réaction de CAS Space a été mesurée. L'entreprise chinoise a indiqué être en contact avec la société américaine pour obtenir plus de détails, tout en affirmant que ses procédures de lancement intègrent des vérifications pour éviter les satellites et débris connus. Ce point est considéré comme une procédure obligatoire pour garantir la sécurité en orbite. L'incident est perçu par SpaceX non comme un fait isolé, mais comme la manifestation d'un problème systémique plus large.

CAS Space a ensuite semblé se dédouaner en précisant que l'approche dangereuse s'était produite près de 48 heures après la séparation de la charge utile, une fois la mission de lancement « achevée depuis longtemps ». Selon l'astronome Jonathan McDowell, cette explication est plausible, car ce délai se situe généralement au-delà de la fenêtre de risque où le lanceur est tenu pour responsable. Cette situation met en lumière la question complexe de la responsabilité partagée entre le lanceur et l'opérateur du satellite une fois celui-ci déployé. La Chine, par le biais de son opérateur, soutient une utilisation sûre de l'espace mais les faits soulignent un décalage entre les intentions et la pratique.

Terre reseau communication satellite

Quelles sont les implications pour l'avenir de la conquête spatiale ?

Ce quasi-accident est un avertissement sévère sur les dangers de la congestion orbitale. Selon les estimations, plus de 24 000 objets, incluant satellites actifs et débris, sont actuellement suivis en orbite basse, soit une augmentation de 76 % depuis 2019. Les projections sont encore plus alarmantes, avec près de 70 000 satellites potentiellement en service d'ici la fin de la décennie, principalement pour des constellations Internet lancées par des acteurs américains, chinois et européens. Chaque satellite supplémentaire augmente mathématiquement le risque de collision.

Le danger ultime est le fameux « Syndrome de Kessler », un scénario théorisé où une seule collision déclenche une réaction en chaîne, pulvérisant d'autres satellites et créant un champ de débris impénétrable. Une telle cascade rendrait l'orbite basse totalement inutilisable pour des générations. Cet incident souligne donc l'urgence absolue de mettre en place une gestion du trafic spatial internationale, avec des normes contraignantes sur le partage de données et des protocoles de déconfliction clairs pour tous les opérateurs, qu'ils soient privés ou gouvernementaux.