La fin de l'ère de la Station Spatiale Internationale, programmée pour 2030, force chaque nation à repenser son avenir en orbite basse. Alors que la NASA se tourne vers des partenaires privés et que la Chine consolide sa station Tiangong, la Russie vient de revoir drastiquement ses ambitions à la baisse.
Le projet initial d'une station orbitale de nouvelle génération, baptisée ROS, a été mis de côté au profit d'une solution bien plus modeste, mais surtout bien moins coûteuse : la récupération des segments russes de l'ISS vieillissante.
Pourquoi ce revirement spectaculaire ?
Le plan initial était pourtant ambitieux. Il prévoyait le lancement de modules entièrement neufs dès 2027 depuis le cosmodrome de Vostochny, en Russie orientale, sur une orbite polaire à haute inclinaison. Mais ce projet s'est heurté au mur de la réalité. Le nouveau plan, validé par Roscosmos, consiste à détacher le segment russe de l'ISS avant sa désorbitation par la NASA. Ces modules formeront alors le cœur de la nouvelle station spatiale russe, qui conservera l'orbite actuelle de 51,6 degrés.
Cette décision est avant tout une manœuvre d'économie forcée. La Russie, dont l'économie est étranglée par l'effort de guerre en Ukraine et les sanctions occidentales, n'a tout simplement plus les moyens de financer un projet spatial d'une telle envergure. Le choix de réutiliser l'existant et de continuer à opérer depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan, malgré ses récents problèmes techniques, est un aveu de faiblesse financière et logistique.
Quels sont les risques d'une telle opération ?
Utiliser des modules qui auront plus de trente ans de service en 2030 n'est pas sans danger. Certains experts russes, dont Oleg Orlov, directeur de l'Institut des problèmes biomédicaux, avaient lui-même alerté en 2022 sur les dangers liés à la prolifération de bactéries et de champignons à bord de l'ISS. Ces micro-organismes représentent une menace à la fois pour la santé des astronautes et pour l'intégrité des composants électroniques. Une critique qui résonne étrangement aujourd'hui.
Au-delà du risque biologique, c'est l'état général du matériel qui inquiète. Les modules russes de l'ISS ont déjà montré des signes de fatigue, avec des fissures et des fuites signalées à plusieurs reprises. Les cosmonautes y consacrent déjà près de 50 % de leur temps à des opérations de maintenance. Prolonger leur durée de vie revient à construire une station dont le principal objectif scientifique pourrait être sa propre survie, au détriment de la recherche.
Quelles conséquences pour le statut spatial de la Russie ?
Ce "recyclage" est le symbole d'un déclassement technologique majeur. À l'heure où la Chine opère sa moderne station Tiangong, où les États-Unis s'appuient sur le dynamisme d'entreprises comme SpaceX et où l'Inde prépare son propre avant-poste orbital, le programme spatial russe passe du statut de pionnier à celui de survivant. Le pays se retrouve à gérer l'héritage d'une structure vieillissante, avec toutes ses contraintes et ses faiblesses.
Faute de moyens pour innover, la Russie se contente de maintenir une présence symbolique en orbite basse. Cet épisode illustre les difficultés profondes du secteur spatial russe, confronté à une pénurie de main-d'œuvre qualifiée, à un accès limité aux technologies de pointe et à un budget entièrement aspiré par des priorités militaires. La station ROS, dans sa version recyclée, risque de n'être qu'une coquille vide aux ambitions scientifiques fatalement limitées.
Foire Aux Questions (FAQ)
Quand la station russe recyclée sera-t-elle opérationnelle ?
Le plan prévoit de détacher les modules russes de l'ISS juste avant la désorbitation de cette dernière, programmée pour 2030. La nouvelle station pourrait donc commencer ses opérations peu de temps après, à condition que le calendrier de fin de vie de l'ISS soit respecté par tous les partenaires.
Qu'adviendra-t-il du reste de la Station Spatiale Internationale ?
La partie non russe de l'ISS, menée par la NASA, sera volontairement précipitée vers l'atmosphère terrestre. Il est prévu d'utiliser un vaisseau cargo de SpaceX pour contrôler cette rentrée atmosphérique afin que les débris restants s'écrasent en toute sécurité dans une zone inhabitée de l'océan Pacifique.
Pourquoi la Russie ne construit-elle pas une nouvelle station ?
La raison principale est d'ordre économique et financier. L'invasion de l'Ukraine mobilise une part écrasante du budget national russe, tandis que les sanctions internationales restreignent l'accès du pays aux composants électroniques et aux technologies de pointe indispensables pour un projet d'une telle ampleur.