Une nouvelle étude menée par l'Université de Bielefeld suggère que notre système solaire traverse l'univers à une vitesse trois fois supérieure aux estimations actuelles. Cette découverte, si elle est confirmée, remet en question les fondements même du Modèle Standard de la cosmologie.

Depuis des décennies, le Modèle Standard de la cosmologie sert de cadre pour comprendre l'évolution, la composition et la structure de l'univers. Ce modèle repose notamment sur le principe cosmologique, qui postule que l'univers est, à grande échelle, homogène et isotrope, c’est-à-dire identique dans toutes les directions.

Mesurer notre propre mouvement par rapport au "cadre de repos" de l'univers, le fond diffus cosmologique (CMB), a toujours été un test fondamental de ce modèle, mais aussi une mesure notoirement difficile à réaliser.

Une nouvelle mesure grâce aux galaxies lointaines

Pour déterminer la vitesse de notre système solaire, les tentatives précédentes se heurtaient à d'immenses difficultés. Une équipe dirigée par Lukas Böhme, de l'Université de Bielefeld, a adopté une approche différente. Ils ont utilisé la distribution des radio galaxies, des galaxies distantes émettant des ondes radio exceptionnellement puissantes.

L'idée est que notre mouvement crée un "vent de face" subtil. Nous devrions observer légèrement plus de ces galaxies dans la direction de notre déplacement. C'est un effet d'anisotropie, ou "dipôle", qui trahit notre vélocité.

Grâce à la sensibilité du réseau de radiotélescopes européen LOFAR (Low Frequency Array), combiné à deux autres observatoires, l'équipe a pu analyser cet effet avec une précision inédite. Contrairement à la lumière visible, ces ondes radio pénètrent la poussière et le gaz cosmiques, offrant une vue plus claire.

Un écart qui défie les prédictions

Les résultats, publiés dans la revue Physical Review Letters, sont saisissants. L'analyse montre que le système solaire se déplace à une vitesse bien supérieure aux prévisions. Les modèles actuels estiment notre vitesse à environ 828 000 km/h par rapport au CMB.

Lukas Böhme, auteur de l'étude, devant le télescope Lovell

Cependant, le dipôle mesuré par l'équipe de Böhme est 3,7 fois plus fort que ce que prévoyait le Modèle Standard. Cet écart atteint un niveau de signification statistique de plus de 5 sigma, un seuil très élevé en physique, indiquant qu'il est très peu probable qu'il s'agisse d'une simple erreur de mesure.

"Ce résultat contredit clairement les attentes de la cosmologie standard", affirme Böhme dans un communiqué. "Il nous force à reconsidérer nos hypothèses précédentes."

Le Modèle Standard face à ses contradictions

Si notre système solaire file effectivement aussi vite, les implications sont profondes. Dominik J. Schwarz, cosmologiste à l'Université de Bielefeld et co-auteur de l'étude, souligne le dilemme : "Nous devons remettre en question les hypothèses fondamentales sur la structure à grande échelle de l'univers."

Deux possibilités émergent. Soit le principe cosmologique est erroné et l'univers n'est pas aussi uniforme que nous le pensions. Soit la distribution des radio galaxies elle-même n'est pas aussi homogène qu'on le supposait, ce qui remettrait également en cause les modèles actuels.

Ce n'est pas la première observation à pointer dans cette direction. Des études antérieures portant sur les quasars, des trous noirs supermassifs très actifs, avaient déjà suggéré des anomalies similaires.

La convergence de ces résultats, obtenus avec des objets et des méthodes d'observation différents (ondes radio contre infrarouge), renforce l'idée qu'il ne s'agit pas d'un artefact.

Les futurs grands relevés radio, comme ceux du Square Kilometer Array (SKA), seront cruciaux pour trancher. Ils permettront de clarifier si cette vitesse déroutante est une véritable anomalie cosmique ou le symptôme de problèmes systématiques dans nos techniques de mesure. Quoi qu'il en soit, nos modèles actuels sont mis à l'épreuve.