Par un décret exécutif, le président Donald Trump a initié la reclassification du cannabis du Tableau I au Tableau III de la loi américaine. Cette mesure, loin d'être une légalisation, reconnaît un usage médical et offre une bouée de sauvetage fiscale à l'industrie, tout en provoquant une vive opposition au sein même du camp républicain, qui craint une banalisation de la substance.

Depuis 1971, le cannabis était logé à la même enseigne que l'héroïne ou le LSD, classé comme substance du Tableau I, la catégorie la plus restrictive de la loi sur les substances contrôlées.

Cette classification signifiait officiellement « aucun usage médical accepté » et un « fort potentiel d'abus ». Le décret signé ce jeudi par Donald Trump change radicalement la donne, marquant le changement le plus conséquent dans la politique américaine sur le cannabis depuis des décennies.

Un changement de cap historique

Le décret présidentiel ordonne aux agences fédérales, et notamment à la Drug Enforcement Administration (DEA), de déplacer le cannabis vers le Tableau III.

Cette catégorie inclut des substances comme la kétamine ou la codéine, reconnues pour leur usage médical et présentant un potentiel d'abus plus faible. Depuis le Bureau Ovale, le président a justifié sa décision en évoquant les demandes de « patients américains souffrant de douleurs extrêmes, de maladies incurables » et de nombreux « vétérans blessés au combat ».

Il est crucial de noter que cette reclassification ne légalise en rien le cannabis à des fins récréatives. « Je veux souligner que ce décret ne légalise la marijuana sous aucune forme », a martelé Donald Trump, insistant sur le fait que la mesure visait à ouvrir la voie à davantage de recherche et à soulager les patients.

Cette action s'inscrit dans un contexte où la majorité des États américains ont déjà approuvé une forme d'usage médical, créant une dissonance majeure avec la loi fédérale.

Une aubaine économique inattendue ?

Pour l'industrie du cannabis, cette décision est perçue comme une véritable bouée de sauvetage financière. Le principal avantage réside dans l'exemption d'une disposition obscure mais écrasante du code fiscal, la section 280E.

Jusqu'à présent, cette loi interdisait aux entreprises vendant des substances du Tableau I et II de déduire leurs dépenses commerciales courantes, comme les salaires ou les loyers. Le passage au Tableau III annule cette contrainte, ce qui pourrait réduire drastiquement leur charge fiscale.

Paradoxalement, les cours des grands conglomérats du secteur comme Trulieve ou Green Thumb Industries ont chuté après l'annonce, probablement par crainte d'une nouvelle concurrence d'acteurs internationaux et pharmaceutiques.

Par ailleurs, l'administration a annoncé le lancement d'un programme pilote en avril, supervisé par les Centers for Medicare and Medicaid Services, pour permettre à certains seniors de recevoir des produits à base de CBD recommandés par un médecin.

Cette ouverture vers un revenu assuré par le fédéral pourrait attirer de grands laboratoires pharmaceutiques dans le secteur.

Une fracture au sein du parti républicain

Cette initiative est loin de faire l'unanimité, y compris dans le propre camp du président. Un groupe de 22 sénateurs républicains a exprimé sa ferme opposition dans une lettre ouverte, arguant que faciliter l'industrie du cannabis est incompatible avec l'objectif de « réindustrialiser l'Amérique », relate The Atlantic.

Leurs inquiétudes portent sur les risques pour la santé, citant des études liant l'usage du cannabis à des troubles psychotiques ou à une perte de concentration.

Des élus de la Chambre des Représentants, menés par Pete Sessions et Andy Harris, ont également pressé le président de faire marche arrière. Ils affirment que la reclassification « enverra un mauvais message aux enfants américains » et rendra les routes plus dangereuses.

Pour ces opposants, il n'existe « aucune science ou donnée adéquate » pour justifier ce changement, considérant que le cannabis reste une drogue addictive sans valeur médicale prouvée.

La décision de Trump ouvre donc un nouveau front politique, laissant en suspens la question de son application concrète face à une telle résistance interne.