Rome a initié une démarche sans précédent qui secoue le monde de la tech. Les autorités fiscales italiennes considèrent que les inscriptions gratuites sur des plateformes comme Facebook, X ou LinkedIn ne sont pas réellement gratuites. Elles représenteraient une transaction en nature : un compte en échange de l'exploitation des données de l'utilisateur. En conséquence, l'Italie cherche à appliquer la TVA sur la valeur estimée de ces données personnelles, une initiative qui se heurte à une forte opposition des entreprises concernées.
La donnée personnelle, une monnaie comme une autre ?
Le raisonnement du fisc italien repose sur une idée simple : chaque inscription gratuite génère une valeur économique pour la plateforme. Cet échange, bien que non monétaire, serait donc une opération taxable. L'administration italienne a chiffré ses exigences avec précision, réclamant un total de plus d'un milliard d'euros aux trois groupes américains :
- 887,6 millions d'euros pour Meta,
- 140 millions d'euros pour LinkedIn,
- 12,5 millions d'euros pour X.
Meta a réagi en affirmant qu'elle « rejette fermement l’idée d’une taxation sur l’accès aux plateformes » et assure se conformer aux réglementations en vigueur.
Vers une bataille judiciaire de longue haleine
Face au refus des plateformes de payer, et après l'échec des discussions en juillet, les géants de la tech ont déposé un recours devant un tribunal fiscal de première instance. C'est la première fois qu'un désaccord fiscal de ce type avec des entreprises technologiques en Italie ne se solde pas par un accord à l'amiable, ouvrant la voie à un procès complet. Une telle procédure judiciaire, impliquant trois niveaux de juridiction, pourrait s'étendre sur une dizaine d'années.
L'Union européenne en juge de paix
Consciente de la complexité et de la nouveauté du dossier, l'Italie envisage de solliciter l'avis de la Commission européenne. Rome préparerait des questions spécifiques à soumettre au comité TVA de l'UE d'ici le début du mois de novembre. Même si les avis de cet organisme n'ont pas force de loi, les pays de l'UE choisissent généralement de les suivre. Une décision formelle de ce comité n'est pas attendue avant le printemps 2026. Un rejet de la part de Bruxelles pourrait inciter l'Italie à revoir sa position et à abandonner les poursuites.
Une boîte de pandore pour l'économie numérique
Si l'Italie obtenait gain de cause, les conséquences dépasseraient largement les frontières du pays et le seul secteur des réseaux sociaux. La TVA étant une taxe harmonisée au sein de l'UE, cette logique pourrait s'étendre à d'autres pays et à de nombreux domaines de l'économie numérique. Tous les services qui lient un accès gratuit à la collecte de données pourraient être concernés, ouvrant une véritable boîte de Pandore pour les médias en ligne, les applications gratuites ou encore les acteurs du commerce, de l'aérien aux supermarchés, qui utilisent des cookies de profilage.
Cette affaire pourrait donc redéfinir en profondeur les règles fiscales appliquées au modèle économique de nombreux services gratuits sur internet.