L'Assemblée nationale française a créé la surprise en rejetant, le 17 février 2024, l'article 9 du projet de loi "Industrie verte". Ce texte visait à transposer dans le droit français le règlement européen prévoyant la fin de la vente des voitures thermiques neuves à partir de 2035, alors qu'un cap national avait été fixé à 2040 (lorsque Nicolas Hulot était ministre de la Transition écologique).

Ce rejet intervient alors que l'Union européenne avait déjà acté cette mesure en 2022, dans le cadre de son plan climat visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d'ici 2030. La décision de l'Assemblée nationale française remet donc en question la stratégie européenne de transition vers la mobilité électrique.

Les arguments des opposants à la mesure

Les députés opposés à cette mesure ont avancé plusieurs arguments. Il y a d'abord celui de l'impact social avec la difficulté pour les ménages les plus modestes d'acquérir des véhicules électriques toujours onéreux.

Les réticences portent également sur les contraintes techniques (fiabilité, autonomie, recyclage) et les limites des infrastructures de recharge. La France avance dans le déploiement des bornes de charge publiques mais d'autres aspects piétinent, comme la recharge en habitat collectif.

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Les députés s'inquiètent également des conséquences sur l'industrie automobile européenne forcée d'assurer cette transition au pas de charge et sous la contrainte forte d'une concurrence chinoise à bas prix.

Enfin, la question des carburants alternatifs n'est pas tranchée et pourrait donner une certaine marge de manoeuvre à la motorisation thermique ou à des alternatives comme l'hydrogène, sans forcément passer par la case purement électrique.

Les réactions du gouvernement et des partisans de la mesure

Face à ce rejet, le gouvernement a forcément exprimé sa déception. Le ministre de de l'Industrie Marc Ferracci réaffirme l'importance de l'objectif de 2035 comme boussole pour la filière automobile.

Cette dernière ne demanderait d'ailleurs pas forcément le rejet de cet objectif mais plutôt de la souplesse dans la façon de l'atteindre, notamment en suspendant les amendes pour non-respect des objectifs de réduction des émissions de CO2 (norme CAFE) qui pourraient leur coûter des milliards, faute de vendre suffisamment de véhicules électriques pour compenser.

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Cette décision parlementaire n'est toutefois pas définitive puisqu'une clause de revoyure européenne est prévue en 2026 pour évaluer l'état de l'électrification du parc automobile par rapport à l'objectif de 2035. Il sera toujours temps de transposer la date en droit français ultérieurement.

Les implications pour l'industrie automobile

Ce vote soulève de nombreuses questions quant à l'avenir de l'industrie automobile française et européenne.  Ces atermoiements créent de l'incertitude juridique et un certain flou sur le cap à suivre du secteur.

Ce manque de direction claire ne facilite pas les décisions d'investissement de long terme des constructeurs. Ces derniers ont déjà investi lourdement dans la transition vers les véhicules électriques mais restent bousculés par un marché international très concurrentiel.

Remettre en question les objectifs industriels alors que la transition est déjà engagée risque donc de les fragiliser un peu plus et de les inciter à déplacer une partie des investissements consacrés à l'électrique vers d'autres domaines.

Dans le même temps, cette décision française pourrait inciter d'autres pays à remettre eux aussi en cause le calendrier de 2035. L'Allemagne est particulièrement remontée contre cette échéance et plaide pour un maintien des véhicules thermiques sur une période plus longue.

L'avenir de la mobilité en question

Au-delà du débat sur la fin des voitures thermiques, ce vote relance la réflexion sur l'avenir de la mobilité. Plusieurs pistes sont évoquées :

  • Le développement de technologies alternatives, comme l'hydrogène ou les biocarburants
  • L'amélioration des performances et de l'autonomie des véhicules électriques
  • Le renforcement des infrastructures de recharge
  • La promotion de solutions de mobilité partagée et de transports en commun

Ce débat souligne la complexité de la transition écologique dans le secteur automobile. Entre impératifs environnementaux, enjeux économiques et considérations sociales, trouver le juste équilibre reste un défi majeur pour les années à venir.