Face à la tentative de l'Allemagne de remettre en cause l'interdiction des voitures thermiques neuves en 2035, la France et l'Espagne réaffirment leur position dans une lettre commune adressée à Bruxelles.

Cet affrontement au sommet fragilise l'une des mesures phares du Pacte vert européen et sème le doute sur l'avenir de l'industrie automobile du continent.

Au cœur du débat se trouve une des pierres angulaires du Pacte vert européen : l'objectif de "zéro émission" pour les voitures et camionnettes neuves vendues dans l'Union à partir de 2035.

Adoptée dans le cadre du plan "Fit for 55", cette mesure impose de facto une transition vers le tout électrique. Pourtant, ce qui était un cap partagé devient aujourd'hui une source de tensions profondes, opposant une Allemagne soucieuse de son puissant secteur automobile à un axe franco-espagnol déterminé à maintenir la trajectoire initiale.

Pourquoi l'Allemagne veut-elle freiner ?

Le revirement allemand n'est pas une surprise. Il est le fruit d'une intense pression exercée par une industrie automobile nationale inquiète des conséquences d'un virage aussi serré vers l'électrique.

Les constructeurs, équipementiers et syndicats d'outre-Rhin craignent pour leur compétitivité et pour l'emploi, arguant que la transition est trop rapide et coûteuse.

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Début octobre, le chancelier allemand Friedrich Merz a jeté un pavé dans la mare en s'engageant publiquement à "tout faire" pour lever cette interdiction. Pour Berlin, il est essentiel de ménager des alternatives, notamment via les carburants de synthèse, et de ne pas fermer la porte au moteur à combustion, technologie au cœur de son savoir-faire industriel. Cette position vise à obtenir un assouplissement significatif des règles lors de la révision du texte.

La réponse de Paris et Madrid : une alliance pour le climat

Face à cette offensive, la France et l'Espagne ont décidé de faire front commun. Dans une lettre commune adressée à la Commission européenne, les deux pays ont rappelé leur attachement indéfectible à l'échéance fixée. Pour eux, il ne faut "en aucun cas remettre en cause l'objectif de zéro émission en 2035", qualifiant cette date de "repère essentiel pour le secteur automobile".

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Cette démarche conjointe vise à envoyer un signal politique fort à Bruxelles et aux autres États membres. Si Paris et Madrid se disent ouverts à l'idée de concéder des "flexibilités" pour aider le secteur, ils posent une condition claire : celles-ci doivent impérativement profiter à l'ensemble de l'industrie automobile européenne, et non servir à démanteler l'ambition climatique initiale du projet.

Une clause de revoyure sous haute tension

Le calendrier ajoute à la tension. La législation actuelle prévoit une clause de revoyure en 2026, date à laquelle la Commission devra évaluer les progrès réalisés et l'impact de la mesure.

Cependant, sous la pression allemande, l'exécutif européen a déjà promis de se pencher sur le dossier dès la fin de cette année. Les industriels espèrent que cette réévaluation anticipée permettra, au minimum, d'introduire des souplesses, voire d'annuler purement et simplement l'interdiction.

Cette lettre sera au centre des discussions des 27 ministres de l'Environnement, dans un contexte plus large de virage "pro-business" au sein de l'Union. L'issue de ce bras de fer ne déterminera pas seulement le futur du marché automobile, mais aussi la crédibilité et la solidité des engagements climatiques de l'Europe pour la décennie à venir.