La révolution numérique se poursuit à grande vitesse avec la modernisation des services du gouvernement qui passe notamment par l'instauration de nouvelles règles pour les entreprises, afin de les contraindre à basculer au moins une partie de leurs activités dans le numérique. Cette transition, nécessaire et salutaire, n'en est pas moins contraignante et complexe notamment pour les toutes petites entreprises ou artisans, qui ne disposent pas d'une structure comptable dédiée.

Le projet de loi Finances 2020

C'est ainsi le cas de la facturation électronique, qui s'est installée dans le projet de loi Finances 2020. Pour rappel, ce dernier vise à contraindre les entreprises, quelle que soit leur taille, à adopter la facturation électronique afin d'optimiser le fonctionnement général des sociétés et de mieux protéger les consommateurs. Mais il a également pour but de mieux encadrer leurs activités, avec comme ligne de mire la lutte renforcée contre la fraude fiscale, un moyen très efficace de faire rentrer de l'argent en ces temps délicats budgétairement parlant et sur fond de crise du pouvoir d'achat pour les ménages français.

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La mesure entraîne cependant déjà de nombreuses réticences de la part de certains secteurs, surtout les structures les plus modestes. Ainsi, les artisans, peu habitués à l'utilisation des outils numériques, y voient encore une fois une nouvelle contrainte et l'obligation d'investir dans du matériel spécialisé ou de faire appel à des services comptables externes, dans tous les cas une charge supplémentaire pour eux sans réelles contreparties.

En ce qui concerne le secteur des services et des éditeurs logiciels, la mesure se présente par contre comme une véritable aubaine, synonyme de gains de chiffre d'affaires. Les services de facturation électronique se multiplient ainsi avec des offres s'adressant également aux structures les plus modestes. Certains services s'utilisent directement en ligne afin de stocker automatiquement les données dans le Cloud, et d'éviter ainsi les lourdeurs d'une installation logicielle, tandis que d'autres misent plutôt sur l'utilisation d'applications mobiles sur smartphones. Par exemple, pour les artisans du bâtiment, le logiciel Tolteck permet d'établir devis et factures facilement sous Mac, iPad et iPhone, ce qui facilite son utilisation.

Que dit la loi ?

L'article 56 de la loi Finances 2020 prévoit une adoption progressive de la facturation électronique entre les années 2023 et 2025, avec un rapport d'étude qui devra être transmis au gouvernement avant le mois de septembre 2020. Sont ainsi concernés toutes les activités et secteurs, peu importe la dimension des structures : des TPE aux PME en passant par les artisans, tous devront y passer pour que l'ensemble de la France ait entièrement basculé en 2025.

Le gouvernement français présente cette mise en place comme apportant de nombreux avantages, par exemple les économies de papier réalisées par les sociétés, une plus grande facilité dans l'archivage qui ne nécessite plus de stockage physique contraignant, des recherches qui seront facilitées au sein des factures, un traitement administratif attendu comme moins lourd, des délais de réception plus courts pour les clients avec l'espoir d'un paiement plus rapide également (cause de nombreux problèmes de trésorerie pour les entreprises et même de faillites, l'État étant par ailleurs généralement un mauvais payeur...), mais aussi tout un ensemble de gains évidents dans l'automatisation des enregistrements comptables (réduction des erreurs).

En outre, la bascule vers la facture électronique permet de centraliser l'ensemble des données au sein d'environnements complets dédiés aux activités, tels que les logiciels professionnels avec un ensemble d'outils automatisés permettant d'optimiser les procédures et d'économiser sur le traitement et la manipulation des dossiers.

Comment cette loi sera-t-elle mise en place ?

Sur le papier, les avantages sont donc nombreux, mais comme d'habitude en France, la mise en œuvre est plus compliquée, notamment pour les petites structures qui ne bénéficient généralement pas d'un service comptabilité dédié. Cela représentera donc des charges financières et horaires supplémentaires pour ces dernières, ce qu'elles n'apprécient guère.

L'obligation se fera toutefois progressivement : à compter du 1er janvier de cette année, toutes les entreprises ayant pour client l'État ou les collectivités territoriales ainsi que leurs établissements sont déjà dans l'obligation de transmettre des factures électroniques, indépendamment de leur taille, du micro-entrepreneur à la multinationale. Pour les autres clients, la transition pourra prendre jusqu'à 5 ans, ce qui laisse donc dans les faits le temps à chaque entreprise de trouver la meilleure solution.

Sur fond de lutte contre la fraude fiscale

Bien évidemment, en marge des avantages présentés, c'est la lutte contre la fraude fiscale qui est au cœur de la mesure du gouvernement : finies les fausses factures et autres arrangements sans traces, ou factures perdues avec impossibilité de délivrer de duplicata. Les factures électroniques seront par ailleurs consultables par les administrations fiscales lors de contrôles et devraient ainsi permettre d'alléger de façon importante le travail des agents du fisc (et donc permettre plus de contrôles). Ils pourront ainsi mettre en évidence des incidents comptables avec bien plus de facilité. Un moyen efficace, et peu onéreux pour l'État de tenter de récupérer une partie de la fraude fiscale estimée en France entre 20 et 100 milliards d'euros, le montant exact étant d'ailleurs soumis à d'âpres discussions.

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À compter du 1er janvier 2023, l'article 56 du projet de loi Finances 2020 entrera donc dans sa deuxième phase avec une obligation de bascule progressive selon un calendrier et des modalités fixées par décret. La bascule se fera alors par secteur d'activité et en fonction de la taille des entreprises, l'échéance étant fixée au 1er janvier 2025 pour l'ensemble des sociétés.

Le projet de loi prévoit également la transmission des données à l'administration fiscale avec en retour le développement de nouveaux services comme le pré remplissage des déclarations de TVA réalisées en ligne pour les sociétés. Le recouvrement de la TVA par les entreprises pourrait alors se faire de façon plus efficace et plus rapide, du moins, c'est la promesse faite par le gouvernement. Du côté des clients, la loi est plutôt bien accueillie puisque nous sommes de plus en plus nombreux à préférer la facturation dématérialisée : plus simple pour stocker et archiver les factures, elle limite les risques de perte ou d'endommagement et permet ainsi plus facilement de faire valoir ses droits en cas d'incident ou de réclamation.