Armando Pereira, co-fondateur d'Altice, attaque Patrick Drahi en justice à Genève. Il réclame 20 à 22% des parts de son ex-associé dans les filiales du groupe, une participation estimée à 1,4 milliard d'euros.
Cette action, fondée sur un accord "sans papiers" révélé par un enregistrement, survient en pleines négociations pour la vente de SFR.
Le torchon brûle entre les deux architectes de l'empire Altice. Armando Pereira, l'ancien bras droit et associé historique de Patrick Drahi, a initié une procédure civile en Suisse.
Déposée le 11 juillet dernier auprès du tribunal de première instance de Genève, cette requête en conciliation vise à faire valoir ses droits sur une part substantielle de la fortune de son ancien partenaire.
Une participation de 1,4 milliard basée sur un accord "sans papiers"
Au cœur de la discorde : la propriété des actifs d'Altice. Les avocats d'Armando Pereira soutiennent qu'il détient environ 20 à 22% des parts personnelles de Patrick Drahi dans les diverses filiales du groupe, incluant Altice France (SFR), Altice USA, et même la maison de vente Sotheby’s.
Bien que Pereira ne possède pas de parts directes, ses conseils estiment le montant qui lui revient à 1,4 milliard d'euros au minimum. Ils revendiquent aussi des parts sur des biens communs, comme un jet privé et un yacht.
Pour prouver ses dires, Pereira s'appuie sur cinq conventions signées, mais surtout sur un enregistrement datant de 2022. Dans cet audio, on entendrait Patrick Drahi lui-même presser la fille de son associé, Gaëlle, d'accepter ces contrats, admettant que les deux hommes avaient jusqu'alors fonctionné sur une confiance mutuelle.
La rupture sur fond de scandale de corruption
Cette offensive judiciaire marque la fin d'une ère. La relation entre les deux hommes s'est brisée à l'été 2023, lorsqu'un vaste scandale de corruption a éclaté au Portugal.
Armando Pereira fut arrêté, soupçonné d'avoir mis en place un réseau de fournisseurs douteux pour détourner des fonds via la politique d'achats du groupe. Des enquêtes sont aussi en cours en France.
Patrick Drahi avait alors publiquement répudié son associé, se déclarant "trahi et trompé". Il avait même affirmé en conférence qu'Armando Pereira ne détenait aucune part dans Altice, juste un droit de 20% sur ses investissements personnels.
Le porte-parole de Drahi, qui dit ne pas avoir connaissance de la procédure suisse, parle de "gesticulation procédurière" visant à faire oublier les enquêtes où Pereira est le "mis en cause" et Altice la "victime".
L'ombre de Pereira plane sur la vente de SFR
Le timing de cette action n'a rien d'anodin. Il coïncide avec la mise en vente de l'opérateur SFR dont les actifs pourraient être partagés entre les trois opérateurs restants, une opération cruciale pour désendetter le groupe.
L'irruption de Pereira dans l'équation rebat les cartes et ajoute une couche de complexité majeure. Les candidats au rachat, comme le trio Bouygues, Free et Orange, ne peuvent plus ignorer la situation.
Ils devront obtenir des garanties de Drahi sur sa capacité à vendre la totalité des actifs.
Si les discussions à l'amiable échouent, Armando Pereira pourrait être tenté de lancer d'autres procédures, notamment en France, pour "abus de confiance". Il aurait le pouvoir de demander une suspension de la vente de SFR ou un séquestre sur les produits de la cession. L'issue de la restructuration d'Altice est devenue soudainement bien plus imprévisible.